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    L’Humain d’abord ! Liste du Front de Gauche de Rassemblement CITOYEN , ECOLOGISTE, SOCIAL

    Conférence de Presse de la Liste Départementale aux Régionales L’Humain d’abord ! Liste du Front de Gauche de Rassemblement  CITOYEN , ECOLOGISTE, SOCIAL 

     

    En préambule de la présentation de notre liste départementale je vous dirais que c’est sur la base d’ engagements contenu dans l’accord politique que les partenaires associés au sein du Front de Gauche ont décidés de se rendre disponibles et utiles pour répondre  et élargir le socle du  rassemblement  de forces politiques porteuses des besoins de  changement , à l’occasion des deux tours de l’élection du Conseil Régional des 6 et 13 décembre 2015 .

    Liste menée au niveau régional par Olivier Dartigolles du PCF, Laurence Pache du PG, élue sortante Limousin Terre de Gauche et par Stéphane Lajaumont, Ensemble, également sortant LTG. Nous pourrons lors de cette conférence discuter et répondre à vos questions concernant les axes stratégiques du projet et les 1érs éléments de programmes que nous mettons en débat que nous vous avons fait parvenir à l’occasion de cette invitation. Nos engagements touchent bien des domaines: Défendre et promouvoir l’égalité des droits, réduire les inégalités territoriales, défendre et assurer le développement de services publics, privilégier le mode de gestion en régie publique ; Mais surtout, favoriser l’émergence de nouvelles formes d’organisation, de coopération, de participation  dans le champ des activités au travail, tout comme dans les autres domaines de la vie en société. Donner vie à  l’articulation des projets de développements portés sur différents territoires  pour viser à la planification de la transition écologique et sociale sans attendre. Notre objectif principal , celui qui nous anime tous c’est celui de nous rendre utiles pour faciliter le rassemblement de tous ces  acteurs et citoyens qui manifestent en différents lieux et sous différentes formes la nécessité de  desserrer pour s’en émanciper des contraintes des lois du marché .

    Dans notre département comme partout en France les désirs de se libérer de ces contraintes, comme celles imposées par les nouveaux schémas administratifs d’organisation territoriales, s’expriment avec plus de force. Ils apparaissent , comme dans tous les domaines, pour ce qu’ils sont , à savoir la traduction de décisions politique qui sont à la botte , il n’y a pas d’autres mots , de la folie destructrice qui fait chaque jour la une des médias qui traitent de l’actualité  qu’elle soit économique , sociale , environnementale .

    Cette folie humaine c’est celle qui anime, sans scrupule aucun, cette  grande famille qui additionne en nombre très restreint les nantis du Medef, les pseudos  néo- princes actionnaires sans oublier, qui le pourrait les sacro saints rois auto proclamés de la  banques et de la finance. C’est ce même club humainement détestable  qui accable et s’ingénie à tordre toutes les résistances qui montent de nos territoires, de tous les secteurs d’activité, résistances portées par des femmes et des hommes qui ne veulent plus ployer sous les coups de toutes leurs injonctions délirantes. Voilà donc le cadre posé et vous en conviendrez qu’il n’a rien de commun ni avec les présupposés politiques qui animent les forces politiques de la droite (que ce soit dans sa version néo libérale ou souverainiste ), ni , et c’est très clair , avec la somme des  accommodements au libéralisme qui sont devenus la marque de fabrique des François Hollande, Valls, Macron dans lesquels se reconnaîssent nombre de dirigeants du PS. Vous avez pu noter comme nous que la somme des  renoncements politique amène au fil des mois  une part de plus en plus importante de l’électorat à se détourner d’eux ; Et ce n’est d’ailleurs pas la récente invitation faite à l’électorat populaire à venir s’inscrire à référendum digne d’une invitation qu’on pourrait avec humour mettre sous le signe d’un film bien connu – « le dîner de cons », qui lui refera gagner de l’estime.
    Quant au Front National la vérité profonde de ces visées politiques risquent fort de faire s’interroger une large part de son électorat tant le spectacle des déchirements internes brise la lisse façade de ses pseudo vertus de chevalier blanc de la politique ou de son inflexible probité. Et d’ailleurs, ce ne sont pas les propos entendu ce matin sur les ondes de Robert Dubois, son porte parole en Dordogne,crachant la haine, la division, la discrimination sur les migrants accueillis dans notre département qui peuvent être de nature à faire une société du « bien vivre ensemble ».

    Pour terminer il nous semble essentiel de souligner que nous ne nous engageons pas dans ce temps de l’élection sans méconnaître ni l’état dans lequel se trouve notre société, tout comme l’état du degré de confiance qu’ont nos concitoyens à l’égard de la politique. Cette perte de confiance atteint l’ensemble des formations politiques quel que soit leur champ d’appartenance sur l’axe gauche droite. Et la montée des taux d’abstention, comme celui qui pointe, a une profonde signification politique que nous ne voulons pas ignorer. Le constater est une chose, le prendre en compte en est une autre et c’est ce que nous avons la modeste ambition de faire pour ce qui nous concerne en ne faisant pas du temps de cette campagne électorale un moment hors sol.

    Nos propositions ne se limitent pas à un simple prenez et votez ou bien votez autre chose. Elles ont  pour visées de servir de support pour inviter toutes celles qui font acte de résistances et qui ne se résignent pas à désespérer, à celles et ceux qui sont indignés par la somme des promesses non tenues ou à celles et ceux qui  prennent ou ont pris part à des luttes sociales qui n’ont pas pu à l’échelle de notre pays peser pour arrêter le cours des politiques néo libérales.

    A tous ces citoyens, à tous ces acteurs, du monde du travail, du monde associatif nous leurs disons, nous les invitons à participer, à prendre leur place  à  ce qui nous incombe de  faire émerger, à combler ensemble de manière inventive ce qui nous manque.

    Parce que le libéralisme qui le démontre avec force chaque jour ne s’accommodera jamais d’arrangements, notre volonté est de créer les conditions pour définir collectivement le cadre de ce que nous voulons vraiment comme de  définir le comment, pour y parvenir. Cela suppose de changer la séparation qui n’a que trop durée entre le social et politique,  entre élus et citoyens. Nous devons ensemble trouver les issues pour nous sortir des impasses dans lesquelles nous ont plongées les diverses formes de  la délégation de pouvoir, pour savoir ensemble nous donner tous les pouvoirs.

    Pour nous le chantier de la transformation sociale, économique, écologique, politique ne s’arrêtera pas  pour laisser la place au temps de  la campagne Nous proposons dans cette campagne de mettre à disposition des espaces de rencontre, de discussion, de confrontation pour poursuivre cette construction pour de nouvelles mises en commun qui de fait, appellent à de nouvelles  formes de coopération, qui placent le développement et l’émancipation des hommes comme centre de nouveaux modes de pensée et d’action. Ces espaces sont ouverts et aucune demande d’allégeance, sous quelque forme que ce soit au Front de Gauche ne sera ni demandée, ni exigée.

    Pour conclure nous partageons  l’idée qu’il nous faut radicalement et profondément renouveler la manière d’animer la vie politique. Cette idée est très largement partagée dans la société, dans notre région, dans notre département. Ainsi les slogans de RÉVOLUTIONS CITOYENNES  ET DE PRENEZ LE POUVOIR qui ont fortement résonné en 2012, lors de la campagne de la Présidentielle, qui résonnent en Espagne avec Podemos ou en Grèce avec Syriza, doivent à notre sens s’exprimer par une réelle inflexion des POUVOIRS CITOYENS dont nous devons ensemble en forger les contours. Or tous ces engagements ne sont possibles que si, sur le renouvellement de la  démocratie, nous promouvons et réalisons ensemble sans tabou par exemple l’idée d’élus partenaires, d’élus dont le rôle serait de construire de manière régulière avec les citoyens mobilisés et disponibles les décisions à prendre, à la
    différence notable de ce que sont les pratiques aujourd’hui et dont le rôle central en matière de pouvoir de décision serait d’exécuter les engagements définis.

    Nous allons donc avancer des propositions dans ce sens, elles ne sont ni à prendre ni à laisser, mais à débattre, à construire, à partager, pour les faire partager, les déployer, pour faire nombre, compter, peser.

    Nous avons depuis plusieurs semaines tous fourni un effort important pour boucler nos listes, donner à voir des listes de large rassemblement , des hommes et des femmes debout face aux politiques d’austérité.  Nous avons dû  trouver des équilibres dans chaque département et dans la grande région.  Nous avons sû rester fidèles à notre feuille de route donnée celle de constituer des listes de large rassemblement face aux politiques d’austérité pour changer les politiques régionales. Et j’ai envie de dire que nous avons désormais de belles listes, composées de syndicalistes, militantes et militants associatifs, élu(e)s, personnalités fortes.

    Nos listes sont élargies au MRC dans certains départements comme ici en Dordogne, à l’ADS, à des militants socialistes en rupture avec les choix gouvernementaux et la dérive libérale de leur parti. La liste que je vais donc avoir l’honneur de vous présenter se veut refléter cette volonté de rassemblement des forces attachées à la transformation sociale.

    Vous allez le voir, elle est composée de 5 candidat(e)s  membres du PCF, 2 du Parti de Gauche, 1 d’Ensemble, 1 MRC et 6 ne revendiquent aucune appartenance partisane. Cette liste de large rassemblement, d’ouverture se donne l’objectif de permettre aux citoyens de retrouver le chemin de la politique et en ça, nous pensons primordial de matérialiser cet apport  car notre richesse vient de notre diversité, et cette diversité peut apporter des réponses politiques aux actions qui se multiplient.  Nous sommes la liste qui fait le lien entre revendications sociales et revendications politiques. Et c’est pourquoi, dans cette campagne nous allons être porteurs, avec enthousiasme, d’une double audace : la résistance à la politique de François Hollande, la construction de changement. Nous avançons des propositions crédibles et concrètes, notamment pour montrer qu’une autre utilisation de l’argent est possible.

    Dans cette démarche l’intervention citoyenne n’est pas un supplément d’âme, elle est au contraire indispensable pour réussir le changement. C’est pour nous une question d’efficacité. Du coup, notre campagne va être rythmée par de très nombreuses initiatives sur le terrain pour donner à voir que l’espace régional est pertinent pour faire la démonstration qu’une autre économie est possible, tant dans son organisation que dans sa finalité. Notamment dans le domaine de l’économie sociale et solidaire.

    La liste de rassemblement que nous proposons est celle de la Gauche ouverte au mouvement social. Son socle repose sur la nécessité de la transformation sociale et elle assume son opposition au capitalisme. Personnellement, c’est ce que je trouve d’enthousiasmant à participer à cette entreprise qui vise à ressourcer la Gauche, à la revitaliser, à lui redonner du sens.  On ne peut plus se contenter d’aménagement à la marge du système, voire d’accompagnement des choix gouvernementaux et Européens, mais de se situer dans une volonté radicale de transformation.

    Ma candidature sur cette liste  prolonge mon action de Maire, car ce projet est construit à partir des besoins de la population.  Notre combat commun est donc un combat social et pour les libertés.  Ces deux dimensions sont mises à mal par la politique actuelle. Notre liste dans sa déclinaison réaffirme très haut les droits contenus dans la déclaration des Droits de l’Homme, que certains ne veulent plus voir à l’ordre du jour.  Comme elle porte les valeurs et les orientations du programme du conseil national de la Résistance, quelque chose qui parle dans notre département et que porteront fortement les animateurs de la liste régionale, Olivier Dartigolles en compagnie de Laurence Pache et Stéphane Lajaumont.  Allez, venons en concrètement aux noms :

     Tout d’abord, Laurent PEREA, que je ne présenterais pas, si ce n’est que je suis issu du mouvement social comme ex-dirigeant syndical de la SNPE, aujourd’hui Maire de la commune de St Capraise de Lalinde, Président du CDG 24 et co-gérant d’une entreprise. Du pays Lindois. 1) Vient ensuite, Pascale MARTIN – Sociologue de profession, Militante engagée dans le mouvement Féministe pour une réelle égalité de droits et d’intervention dans la société.de Périgueux  En troisième position, Didier BUSTAMANTE, d’ENSEMBLE, Cadre de la Fonction Publique Territoriale, engagée fortement sur les questions de citoyenneté et du canton de Sigoulès .   En suivant, nous trouverons Marie Françoise CHERBERO MISTAUDY, une femme dynamique, Institutrice, Syndicaliste et très engagée sur les causes des Droits de l’Humain. De Périgueux.    L’accompagnera en 5ème position, Michel CARDEILLAT, PG, très engagé sur les questions d’une nouvelle ruralité et une véritable transition écologique, Parti de Gauche, Agriculteur Bio. Du canton de Villefranche de Lonchat.  Complètera ensuite cette liste, Patricia LAMBERT, Paysanne pendant près de 30 ans et employée de collectivité aujourd’hui, Militante Associative, Syndicaliste Du canton de St Aulaye.   C’est ensuite un Educateur Spécialisé de l’Hôpital de Vauclaire qui emboitera le pas, François MAS, du MRC qui exerce dans le Bergeracois et vit dans le pays Foyen. Militant associatif et syndical.  Liliane GONTIER, Cadre à la CPAM, Maire-Adjointe de Boulazac, elle fait partie de ces femmes qui ont à cœur d’œuvre pour les autres et de favoriser le lien social pour un véritable « bien vivre ensemble ». de boulazac.  C’est Jean-Paul DUBOS, Employé de la Fonction Publique d’Etat (ex DDE), Maire-Adjoint de la commune rurale de St Avit de Vialard sur le canton du Bugue.   C’est une jeune femme qui  occupera la 10ème place, sous le nom de Christine EYMERIE, Militante associative, ancienne responsable de société en reconversion professionnelle. De Terrasson.  C’est ensuite la jeunesse qui occupera la 11ème place sur le nom de Florian PETITALOT, UEC, Etudiant en Biologie, de Bergerac.  Ensuite vient sur la liste, Josette GOSSET, PCF, Employée de la Poste, Syndicaliste, qui s’est toujours engagée pour la défense du service public, véritable maillon de lien social en direction de la population. Du canton de Thiviers.  C’est ensuite le monde de l’entreprise qui sera représenté  avec Francis JOUBERT, PCF, Artisan et Formateur ; de Neuvic.  Ensuite nous trouverons en 14ème position, Isabelle RONGIERAS, PG, Institutrice ayant à cœur la défense des écoles rurales.  En dernière position, c’est toute la lutte des cheminots Périgordins (Ateliers technicentre de Périgueux, navette ferroviaire) qui traversera cette campagne avec la présence Serge GERAUD, PCF, Agent de Maîtrise SNCF.

    Et c’est très librement, dans le respect de l’opinion de chacun, que nous avons la volonté d’aller à la rencontre de celles et ceux qui font notre territoire dans leur diversité. La campagne électorale qui s’ouvre va nous permettre d’échanger avec un grand nombre d’entre-eux.  Nous souhaitons construire avec elles et eux, des choix et des propositions que nous défendrons au Conseil Régional. Nous sommes persuadés qu’ « Ensemble, nous pouvons »; Comme on dit dans une langue qui m’est chère : « Juntos, Podemos ».

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  • Sur le blog du Diplo de Frédéric Lordon

    par Frédéric Lordon, 9 octobre 2015
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    « Le Salaire de la peur », de George Clouzot
    1954

    Si l’on avait le goût de l’ironie, on dirait que le lamento décliniste ne se relèvera pas d’un coup pareil, d’une infirmation aussi catégorique ! Coup d’arrêt au déclin ! Mais l’ironie n’enlève pas la part de vérité, fut-elle ténue : un pays où les hommes du capital finissent en liquette est un pays qui a cessé de décliner, un pays qui commence à se relever. Car, dans la tyrannie du capital comme en toute tyrannie, le premier geste du relèvement, c’est de sortir de la peur.

    Le salaire de la peur

    Le capitalisme néolibéral règne à la peur. Il a été assez bête, demandant toujours davantage, pour ne plus se contenter de régner à l’anesthésie sucrée de la consommation. La consommation et la sécurité sociale étaient les deux piliers de sa viabilité politique. Le voilà qui s’acharne à détruire le second – mais Marx ne se moquait-il pas déjà « des intérêts bornés et malpropres » de la bourgeoisie, incapable d’arbitrer entre profits financiers immédiats et bénéfices politiques de long terme, acharnée à ne rien céder même quand ce qu’il y a à céder gage la viabilité de longue période de son règne ?

    Sans doute, en comparaison, l’ankylose par le gavage marchand continue-t-elle de recevoir les plus grands soins. Tout est fait d’ailleurs pour convaincre l’individu qu’en lui, seul le consommateur compte, et que c’est pour lui qu’on commerce avec le Bangladesh, qu’on ouvre les magasins le dimanche et… que « les plans sociaux augmentent la compétitivité pour faire baisser les prix ». « Oubliez le salarié qui est en vous » est l’injonction subliminale mais constamment répétée, pour que cette identité secondaire de producteur disparaisse du paysage.

    Comme on sait, le refoulé a pour propre de faire retour, et les identités sociales déniées de revenir. Dans le plus mauvais cas privativement, et ce sont des individus séparés-atomisés, qui chacun par devers eux se souviennent que le Bangladesh est aussi le lieu de destination de la délocalisation qui a fait leur plan social, ou que la consommation « libérée » des autres fait leur astreinte du dimanche à eux. Dans le meilleur des cas collectivement. Car c’est collectivement, d’une part qu’on sort de la peur, et d’autre part qu’on a quelque chance de faire paraître sur la scène publique qu’il y a des producteurs, contre tout le travail idéologique qui s’efforce de les faire oublier pour que rien ne vienne troubler la félicité des consommateurs.

    L’accès à la consommation élargie aura sans doute été l’opérateur passionnel le plus efficace de la stabilisation politique du capitalisme. Mais, sauvé des eaux au sortir de la séquence Grande Dépression-Guerre mondiale, le capitalisme n’a pas manqué de se réarmer dans le désir de la reconquête, et d’entreprendre de revenir sur tout ce qu’il avait dû lâcher pendant les décennies fordiennes… et à quoi il avait dû son salut. Néolibéralisme est le nom de la reconquista, le nom du capitalisme sûr de sa force et décidé à obtenir rien moins que tout. Le capital entend désormais se donner libre cours. Toute avancée sociale est un frein à ôter, toute résistance salariale un obstacle à détruire. Dans une conférence mémorable (1) et qui mériterait bien quelques tours de JT, Alexandre de Juniac observe que, la notion d’« enfant » ayant historiquement varié, l’interdiction de leur mise au travail est une question qui mériterait elle-même d’être remise au travail. Et de faire part, puisqu’il disserte sur la relativité de la notion d’« acquis sociaux », des réflexions de son collègue de Qatar Airways qui le plaint beaucoup d’avoir eu à essuyer une grève : « M. de Juniac, chez nous on les aurait tous envoyés en prison ».

    Si donc la mobilisation productive doit se faire sous le coup de la terreur, ainsi sera-t-il. En réalité le capitalisme néolibéral n’a pas à forcer son talent, car la terreur est le fond inaltérable du capitalisme tout court. Seul le recouvrement de la stabilisation macroéconomique (relative…) et de ce qui reste de protection sociale empêche de voir le roc ultime sur lequel le capital a assis son pouvoir : la prise d’otage de la vie nue. Réalité pourtant massive dont les salariés font la douloureuse expérience lorsque l’employeur, dont ils dépendent en tout et pour tout, décide qu’ils sont surnuméraires. En tout et pour tout en effet, puisque le salaire, condition de la vie matérielle dans ses nécessités les plus basales, est, par-là, la condition de la vie tout court, le prérequis à tout ce qui peut s’y construire. Et qu’en être privé c’est frôler l’anéantissement social – parfois y tomber carrément.

    Lire Serge Halimi, « Faire sauter le verrou médiatique », Le Monde diplomatique, octobre 2015.Comme de juste, la menace qui fait tout le pouvoir du capital et de ses hommes, menace du renvoi des individus ordinaires au néant, cette menace n’a pas même besoin d’être proférée pour être opératoire. Quoi qu’en aient les recouvrements combinés de la logomachie managériale, de l’idéologie économiciste et de la propagande médiatique, le fond de chantage qui, en dernière analyse, donne toute sa force au rapport d’enrôlement salarial est, sinon constamment présent à l’esprit de tous, du moins prêt à resurgir au moindre conflit, même le plus local, le plus « interpersonnel », où se fait connaître dans toute son évidence la différence hiérarchique du supérieur et du subordonné – et où l’on voit lequel « tient » l’autre et par quoi : un simple geste de la tête qui lui montre la porte.

    Il faut donc, en particulier, toute l’ignominie du discours de la théorie économique orthodoxe pour oser soutenir que salariés et employeurs, adéquatement rebaptisés sous les étiquettes neutralisantes d’« offreurs » et de « demandeurs » de travail – car, au fait oui, si dans la vraie vie ce sont les salariés qui « demandent un emploi », dans le monde enchanté de la théorie ils « offrent du travail » ; autant dire qu’ils sont quasiment en position de force… –, il faut donc toute la force de défiguration du discours de la théorie économique pour nous présenter l’inégalité fondamentale de la subordination salariale comme une relation parfaitement équitable entre co-contractants symétriques et égaux en droit.

    De part et d’autre du revolver

    La réalité du salariat c’est le chantage, et la réalité du chantage c’est qu’il y a une inégalité entre celui qui chante et celui qui fait chanter – on ne se porte pas identiquement à l’une ou l’autre extrémité du revolver. Même les salariés les plus favorisés, c’est-à-dire les plus portés à vivre leur enrôlement sur le mode enchanté de la coopération constructive, et à trouver scandaleusement outrancier qu’on en parle dans des termes aussi péjoratifs, même ces salariés sont toujours à temps de faire l’expérience du voile déchiré, et de l’os à nouveau découvert. Car c’est bien sûr à l’épreuve, non pas des temps ordinaires, mais du différend que se montrent les vrais rapports de pouvoir. Et que se posent à nouveau des questions – les questions élémentaires de la relation salariale – comme : jusqu’où puis-je porter la contestation devant mon supérieur, avec quel ton puis-je lui parler, quelle latitude réelle ai-je de refuser ce qu’on (il) m’impose de faire et que je ne veux pas faire et, pour finir : ce différend s’accomplit-il vraiment dans les mêmes conditions que celui que je pourrais avoir avec quelqu’un dont je ne dépendrais pas et dont je n’aurais rien à craindre – en situation d’égalité. L’individu qui plie n’en a-t-il pas toujours sourdement conscience du seul fait de se dire que « dans d’autres conditions, ça ne se passerait pas comme ça » ? La dépendance vitale et, subséquemment, la peur, voilà la vérité ultime du salariat telle qu’elle se dévoile inévitablement, non pas quand tout va bien, mais à l’épreuve du différend, dont le mode de résolution ultime a un nom : l’obéissance.

    Et cependant l’époque se gargarise d’« égalité démocratique » quoiqu’elle laisse prospérer en son sein toute une organisation collective de la vie matérielle dont l’ultime ressort est la peur. Pourquoi, en dernière analyse, le capital règne-t-il sur les individus ordinaires ? Parce qu’il a les moyens de leur faire courber la tête. Le socioéconomiste Albert Hirschmann a résumé d’une trilogie frappante, mais peut-être insuffisante, les attitudes possibles de l’individu en situation institutionnelle : loyalty, voice, exit. Loyalty comme son nom l’indique ; voice quand on choisit de l’ouvrir – mais jusqu’où, quand l’institution est l’entreprise capitaliste ? – ; exit quand on ne se sent plus le choix que de prendre le large – mais à quel coût quand « le large » signifie l’abandon du salaire qui fait vivre ?

    En vérité il faudrait augmenter la trilogie d’une quatrième figure qu’on pourrait baptiser guilt. Guilt, c’est le mouvement de retournement contre soi par lequel le salarié introjecte la violence institutionnelle-capitaliste qui lui est faite en se mettant en cause lui-même. Guilt connait deux modalités. Therapy (2) – le salarié se pense comme insuffisant et entreprend de se soigner : se vivant comme mal adapté, il se rend à l’idée que ce n’est pas l’environnement odieux auquel il est sommé de s’adapter qui doit être changé, mais lui-même, et qu’il lui appartient de faire le chemin de l’adaptation – terrible fatalité de l’émiettement individualiste du salariat puisqu’il est bien certain que, seul, nul moyen n’existe de changer l’« environnement », et que nulle idée politique d’un tel changement ne peut naître : il ne reste plus que soi à mettre en cause. Et la vérole du coaching prospère sur ce désespérant terrain.

    Therapy donc, et puis suicide. Soit le fin fond de la violence introjectée. Tragique retournement par lequel les individus, privés des ressources collectives de lutter contre l’ennemi du capital, se font, par défaut, les ennemis d’eux-mêmes, et, dit-on, « se tuent », quand en vérité c’est bien autre chose qui les a tués. Quand le discours managérial ne fait pas du suicide une « mode », à l’image de l’excellent président de France Télécom qui voyait la défenestration comme une tendance, le discours médiatique, spécialisé dans l’inconséquence et la déploration sans suite, se contente de chialer un peu, de faire une manchette qui dit que c’est bien triste, puis de ne rien mettre en cause de sérieux, de n’avoir aucune suite dans les idées, et de passer aussi vite que possible à autre chose. Après quoi la violence d’une chemise en lambeaux lui semble intolérable.

    Les responsables structuraux

    Sans doute la conscience immédiate se cabre-t-elle spontanément à la seule image générique d’une violence faite à un homme par d’autres hommes. Mais précisément, elle ne se cabre que parce que cette image est la seule, et qu’elle n’est pas mise en regard d’autres images, d’ailleurs la plupart du temps manquantes : l’image des derniers instants d’un suicidé au moment de se jeter, l’image des nuits blanches d’angoisse quand on pressent que « ça va tomber », l’image des visages dévastés à l’annonce du licenciement, l’image des vies en miettes, des familles explosées par les tensions matérielles, de la chute dans la rue. Or rien ne justifie le monopole de la dernière image – celle du DRH. Et pourtant, ce monopole n’étant pas contesté, l’image monopolistique est presque sûre de l’emporter sur l’évocation de tous les désastres de la vie salariale qui, faute de figurations, restent à l’état d’idées abstraites – certaines d’avoir le dessous face à la vivacité d’une image concrète. Et comme le système médiatique s’y entend pour faire le tri des images, adéquatement à son point de vue, pour nous en montrer en boucle certaines et jamais les autres, c’est à l’imagination qu’il revient, comme d’ailleurs son nom l’indique, de nous figurer par images mentales les choses absentes, et dont l’absence (organisée) est bien faite pour envoyer le jugement réflexe dans une direction et pas dans l’autre. Dans son incontestable vérité apparente, l’image isolée du DRH est une troncature, et par conséquent un mensonge.

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    La presse unanime

    Sans doute, à froid et à distance des situations, la pensée renâcle-t-elle, elle aussi, à l’imputation personnelle d’effets qui devraient être mis au compte d’une structure impersonnelle – car, analytiquement parlant, c’est toute la structure des rapports sociaux du capitalisme qui est à l’œuvre dans la « situation Air France », bien au-delà d’un DRH qui passe par là au mauvais moment. Mais c’est que, si l’on n’y prend garde, « l’analyse » a vite fait de tourner à l’asile des dominants, et l’impersonnalité des structures au dégagement de toutes les contributions personnelles : « le système s’impose par sa force propre et personne n’y peut rien ». Le terme de l’analyse c’est toujours l’abstraction du « système », bien faite pour saper la question de la révolte qui est toujours concrète : car comment se révolter concrètement contre une abstraction ? En réalité, l’explosion colérique se moque bien de ces subtilités : elle prend ce qui lui tombe sous la main – le mobilier de la sous-préfecture ou la limouille du DRH.

    La vue structurale des choses cependant n’est pas entièrement condamnée à l’impossibilité des mises en cause individuelles. Qui peuvent être de trois sortes. Car si l’on veut se donner la peine d’y regarder de plus près, des individus particuliers, on en distinguera bien quelques-uns. Il y a ceux qui ont fait les structures, ceux qui les font tourner, enfin ceux qui les célèbrent et, les célébrant, s’efforcent de barrer toute tentative de les changer.

    Il y a d’abord en effet que les structures ne tombent pas du ciel : elles ont été faites de main d’homme – en tout cas de certains hommes. Qui a fait la libéralisation financière depuis le milieu des années 1980 ? Qui a poussé les feux de toutes les déréglementations européennes ? Qui a signé les traités commerciaux internationaux ? Qui usine le TTIP ? Qui envisage de faire sauter les protections du droit du travail ? En résumé, qui a installé les structures de la violence néolibérale ? Qui a mis en place les cadres institutionnels libérant de toute retenue la valorisation du capital et lui ouvrant des latitudes stratégiques, c’est-à-dire des possibilités de brutaliser, sans précédent : chantage à la compétitivité, menace de la délocalisation, démantèlement des formes institutionnalisées de la résistance salariale – contre-pouvoirs syndicaux, règles du licenciement, organisation de la négociation sociale, etc. ? Voilà bien des questions précises auxquelles on peut tout à fait donner des réponses précises, c’est-à-dire des noms – spécialement en ce moment.

    Il y a ensuite que, ces structures en place, elles n’œuvrent pas toutes seules : les rapports qu’elles déterminent sont effectués – par des individus concrets. En partie dépassés par les structures dont ils sont les opérateurs, parfois secrètement réticents à ce qu’elles leur font faire, parfois collaborateurs zélés de leur effectuation. Aussi ceux qui ajoutent leur touche particulière odieuse à l’effectuation de rapports odieux sont-ils sans doute spécialement (auto-)désignés à l’imputation personnelle des effets de structure impersonnels... Les salariés ne s’y trompent pas d’ailleurs qui savent le plus souvent distinguer le malgré-lui modérateur du vrai salaud.

    Les artisans de l’impasse – les vrais fauteurs de violence

    Lire Gilles Balbastre, « Le monde du travail, interdit de télévision », Le Monde diplomatique, juin 1996.Il y a enfin, en apparence les plus distants mais peut-être les pires, les célébrants de la structure, les conservateurs symboliques de l’état des choses. Eloignés du théâtre des opérations à un point qui semble rendre absurde leur mise en cause, il faut pourtant les remettre en première ligne de la responsabilité. Accompagnant depuis des décennies toutes les transformations, présentées comme « inéluctables », d’où le capital a tiré une emprise sans précédent sur la société, ils ont interdit que cette emprise soit reconnue, et nommée, pour ce qu’elle est : une forme de tyrannie ; ils ont systématiquement empêché que s’en élabore dans la société une contestation institutionnalisée, c’est-à-dire une mise en forme symbolique et politique des tensions que ce capitalisme ne pouvait manquer de faire naître, et sont par-là les vrais agents de la fermeture.

    Tautologiquement, des colères qui ne se trouvent plus aucune solution de symbolisation, n’ont plus accès qu’à des expressions désymbolisées : l’explosion de rage. Mais à qui doit-on ces impasses dont ceux qui s’y trouvent coincés n’ont plus que la ressource de faire péter un mur pour en sortir ? À qui sinon à ceux qui ont aménagé l’impasse même, bétonné le débat, répété l’inéluctable état des choses, pédagogisé sa nécessité, ridiculisé, disqualifié et finalement fait barrage à toute idée critique, donc empêché toute formation d’une perspective politique alternative qui aurait fait réceptacle ?

    De ce point de vue, et quelque désaccord qu’on ait avec lui, on pourra tenir pour exemplaire le traitement ignoble, notamment iconographique, réservé à Jean-Luc Mélenchon dans Libération, et d’ailleurs dans toute la presse de droite complexée qui le vomit à un point inimaginable, précisément parce qu’il est le seul acteur significatif du champ politique à y faire entendre le point de vue de l’oppression salariale, et rendre au moins concevable qu’une ligne politique soit tirée à partir de là (quant à sa réalité, c’est une autre affaire, et on jugera(it) sur pièce). S’il y a quelque chose comme des « responsables structuraux » de la violence, les gate-keepers médiatiques en font assurément partie. Avec au surplus cette ironie amère que ceux qui ont fermé tous les degrés de liberté du système, ne laissant plus ouverte que l’alternative de la chape ou de l’explosion, sont ceux-là mêmes qui viennent faire la leçon outragée quand « ça explose ».

    Forcément cette presse de gauche de droite, puisque c’est par définition à la presse de gauche que revenait de créer les espaces organisés de la critique et par là les conditions de possibilité de la symbolisation politique, cette presse-là, passée à droite et démissionnaire de sa fonction historique, tombe au dernier degré de l’embarras quand il lui faut faire face à de telles éruptions de colère. On voit d’ici la balance de précision où a été pesé l’éditorial de Libération, qui s’efforce de tenir ensemble la condamnation des « inadmissibles violences » et la compassion pour les salariés restructurés, qui va même jusqu’à parler de « la violence des plans sociaux » (3) mais pour soigneusement éviter, dans le parfait équilibre des violences symétriques, de prendre le moindre parti net, essence du joffrinisme qui a pour seule ligne directrice le louvoiement, la conciliation apparente des inconciliables – mais le parti pris réel, car il y en quand même bien un, quoique inavouable quand on s’accroche ainsi à son étiquette de « gauche » alors qu’on est finalement aussi à droite, le parti pris foncier pour l’ordre social présent, jugé bon dans sa globalité, sans doute perfectible de ci de là, mais grâce au ciel le rosanvallonisme ou le pikettisme sont là pour nous fournir les rustines.

    Voilà donc ce que jamais on ne lira nettement dans Libération ni dans aucun de ses semblables : que cette image des deux hauts cadres en liquette est un symptôme de plus, après beaucoup d’autres restés ignorés, d’un monde à changer d’extrême urgence. Que, faute de toute solution politique d’un tel changement, solution que des organes comme Libération se sont appliqués à empêcher d’advenir, cette image est au total porteuse d’espoir : car c’est l’image du corps social qui, par ses propres moyens, commence à sortir de son tréfonds d’impuissance, qui n’a plus peur de la tyrannie du capital. On ne lira pas non plus dans Libération que les détails de la situation n’ont pas grande importance, ni le salaire des pilotes ni l’état financier d’Air France, car, dans l’époque qui est la nôtre, l’important est le salariat qui relève la tête, quelle qu’en soit la fraction, l’exemple ainsi donné aux autres, et que ceci est un bon signe. On n’y lira pas enfin que Manuel Valls est le méta-voyou, celui qui non seulement prend le parti des voyous, mais traite de voyous les victimes des voyous.

    Le parti du capital

    Au vrai c’est toute la droite générale, celle qui va du PS à l’UMP, organes médiatiques inclus, qui, dans un spasme réflexe a refait son unité, comme toujours quand un événement à fort pouvoir de classement la soumet de nouveau à l’épreuve – référendums européens, conflits sociaux durcis, etc. Bien sûr, dans la droite générale, il y a la composante honteuse, qui préférera s’abstenir de paraître. A côté des habituels L’Opinion, Le Figaro, Les Echos, Le Parisien, dont les unes sont toutes plus gratinées les unes que les autres, la presse de droite complexée fait courageusement la sienne sur un écrivain suédois disparu – abstention qui a malheureusement tout le poids d’un parti. Le parti pris d’un certain parti, qui est ce parti informel de l’ordre social capitaliste, parti agglomérant bien sûr des partis politiques au sens classique du terme, on a dit lesquels, mais également tous ceux qui concourent activement à sa reproduction symbolique, économistes, éditorialistes, faux intellectuels, à commencer par ceux qu’on pourrait appeler les objecteurs cosmétiques, spécialistes de la critique secondaire, passionnés de l’inessentiel, stratèges de l’évitement (4) , en tout cas tous bien occupés à fermer le champ du pensable, pour donner comme impensable que les choses soient fondamentalement autres qu’elles ne sont.

    C’est qu’en effet, de ceux qui installent les structures à ceux qui les font tourner en passant par ceux qui les déclarent nécessaires (quand ils ne les disent pas admirables), tout ça fait du monde ! Un parti de fait. Le parti du capital. Car on peut bien appeler « parti du capital » l’ensemble de ceux qui approfondissent le règne du capital, qui s’abstiennent de lui opposer la moindre critique sérieuse, et qui barrent résolument la route à ceux qui auraient le projet de le faire. Le parti du capital va donc bien au-delà des seuls capitalistes, mais se scandalise uniement lorsque des têtes se relèvent.

    Pour ce grand parti informel, nul doute que les images d’Air France n’ont rien que de glaçant. C’est qu’elles lui tendent le miroir de son devenir possible : en parti de la liquette, grand rassemblement des candidats à la guenille car, avéré l’inexistence des solutions institutionnelles d’endiguement à froid du capital et de son emprise totalitaire sur la société, la probabilité des solutions à chaud va croissant chaque jour. À ce stade d’ailleurs, ça n’est même plus une question de préférence ou de jugement : c’est une question entièrement positive. Quoi qu’on en pense, la tyrannie, la maltraitance que rien n’arrête, finissent toujours, privées de régulation externe et incapables de contenir leur propre tendance interne à l’abus, par franchir un de ces seuils invisibles où la peur des maltraités se retourne en fureur. Il ne faudra pas venir chialer ce jour-là qu’il y a du verre brisé et « d’inadmissibles violences » comme dirait l’éditorialiste de Libération. Car quand le couvercle de la cocotte ne peut plus que sauter, il saute ! Et les vrais coupables sont ceux qui ont installé la gazinière, monté le feu, et célébré la nouvelle cuisine.

    Dernière station avant l’autoroute

    Battue par trois décennies de néolibéralisme, la société en arrive à un point à la fois de souffrance et d’impossibilité où la question de la violence en politique va devoir se poser à nouveaux frais, question tabouisée par excellence et pourtant rendue inévitable au point de faillite de tous les médiateurs symboliques où nous sommes. Les galéjades habermassiennes de « l’agir communicationnel » paraissant maintenant pour ce qu’elles sont – une illusion de démocratie discursive recouvrant les rapports de force réels, la surdité arrogante des dominants et l’imposition sans appel de leur ordre (on ne s’étonnera pas qu’elles soient régulièrement célébrées dans Le Monde) –, le compte des solutions de transformation sociale réelle est vite fait. Comme s’il s’efforçait inconsciemment de rejoindre son concept, le parti de la liquette, fermant toute autre possibilité, créé la situation de l’épreuve de force. Il finira bien par l’avoir.

    Epreuve de force et épreuve de vérité. Car la presse tombe le masque quand l’ordre de la domination capitaliste est réellement pris à partie, fut-ce très localement, et qu’il l’est de la seule manière que les dominés aient à leur disposition, puisque abandonnés de tous, sans le moindre espoir que leur parole soit portée ni dans le cénacle des institutions politiques ni dans l’opinion publique par un canal médiatique mentalement et financièrement inféodé, privés donc de tous les recours de la lutte symbolique, ils n’ont plus que leur bras pour exprimer leur colère.

    On ne dira jamais assez combien c’est la réduction au dénuement symbolique qui jette les individus dans l’action physique – désymbolisée. Pas plus qu’on ne rappellera jamais assez que des hommes ou des femmes, qui n’ont somme toute que le désir de vivre paisiblement et de jouir d’une stabilité matérielle minimale, qui n’ont en réalité aucune préférence pour la lutte et encore moins pour la violence, car ils n’aspirent qu’à la tranquillité, ces hommes et ces femmes, donc, ne sortent de leurs gonds que parce que quelque chose, ou quelqu’un, les en a fait sortir.

    C’est peut-être une économie générale de l’offense qui commence à se manifester ici, dans laquelle il n’y aura pas à payer que l’état objectif de la violence sociale capitaliste, mais également, petit supplément qui fait parfois les grandes révolutions, cette inimitable touche d’arrogance ajoutée par les dominants aux structures de leur domination. Et c’est vrai que le parti du capital, futur parti de la liquette, n’en aura pas manqué. Depuis les rires gras de l’assistance patronale de Royaumont entendant de Juniac briser quelques « tabous » de son cru, comme le travail des enfants ou l’emprisonnement des grévistes, jusque, dans un autre genre, aux selfies rigolards venant couronner des années de consciencieux efforts pour expliquer aux peuples européens dévastés par l’austérité qu’ils l’avaient bien cherchée.

    Quand la loi a démissionné, les dominants ne connaissent qu’une force de rappel susceptible de les reconduire à un peu de décence : la peur – encore elle. C’est bien celle que leur inspirait le bloc soviétique qui les a tenus à carreaux pendant les décennies fordiennes. À des individus que le sens de l’histoire n’étouffe pas, la chute du Mur et l’effacement du mouvement communiste n’ont rien signifié d’autre qu’« open bar ». Dans cette pensée dostoïevskienne du pauvre, ou plus exactement du nouveau riche, « si le communisme est mort, alors tout est permis ». L’instance externe de la peur effondrée, et l’instance interne de la contention – le pouvoir politique – passée avec armes et bagages du côté des forces qu’elle avait à contenir, la peur ne retrouvera plus d’autre origine que diffuse et immanente : elle viendra du bas – du bas qui se soulève.

    Les dévots qui se sont engagés corps et âme dans la défense d’un ordre ignoble et forment sans le savoir l’avant-garde de la guenille, sont encore trop bêtes pour comprendre que leur faire peur en mots – ou bien en tartes à la crème – est la dernière solution pour leur éviter de connaître plus sérieusement la peur – dont ils ne doivent pas douter qu’elle viendra, aussi vrai qu’une cocotte sans soupape finit par exploser. Aussi s’empresseront-ils d’incriminer les « apologètes de la violence » sans même comprendre que signaler l’arrivée au point de violence, le moment où, du fond de l’impasse, elle va se manifester, est le plus sûr moyen, en fait le seul, de forcer la réouverture de perspectives politiques, et par là d’écarter l’advenue de la violence.

    Frédéric Lordon

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  • Sur Le Grand Soir - 7 octobre 2015
     
    "Ils ne sont grands que si nous sommes à genoux."
     
    Par Vladimir MARCIAC
     

    C’est le chiffre exact : 2902. Deux types qui détalent comme des lapins et deux mille neuf cents salariés qui savent qu’ils vont perdre leur chemise, leur pantalon, peut-être leur maison et tout espoir d’études des enfants, tout en courant à Pôle emploi pour s’y faire humilier. : « Vous étiez hôtesse ? Justement on a un poste dans un bar de nuit. A Pigalle ».

    Et comptez sur la Justice pour que quelques-uns soient punis : « lourdement » a dit Hollande en se substituant au juge. Et comptez sur les CRS pour leur cabosser la tête à la prochaine manif et faire couler leur sang sur leur chemise. Mais on s’en fiche des chemises des prolos ! Cela ne compte pas. Vous avez déjà entendu parler dans les médias d’une chemise d’ouvrier déchirée, avec ou sans le gars dedans ? Non, on s’en fiche des pue-la-sueur et des sans-dents. L’Etat PS n’a pas vocation à les protéger et à visiter l’usine où l’accident a eu lieu. L’équipe gouvernementale solférinienne visite les lieux de catastrophes naturelles et les lieux où des adhérents du MEDEF ont eu la trouille. C’est tout !

    Air France. Comptez sur les médias pour jurer que le DRH « a failli être lynché » alors qu’il n’a pas une égratignure et qu’il n’est même pas allé voir un médecin. Peut-être un psychologue, demain. A condition qu’il le laisse travailler sans l’accabler de son mépris.

    Mieux vaut en rire avec la chanson de Zebda : « Tomber la chemise » enrichie d’un clip filmé devant les locaux d’Air France.
    https://www.youtube.com/watch?v=tyXi8AVXJDI

    Bien sûr, le PS est indigné, lui qui est responsable de la détresse des salariés, de plus en plus nombreux, et de ceux d’Air France en particulier parce que l’Etat, actionnaire à 17 %, pouvait intervenir avant que le volcan n’explose. Il pouvait parler, conseiller la Direction, faire usage de son droit de blocage. Mais l’Etat est macronisé.

    Et voici trois exemples du traitement de l’information par les médias.

    1) Ici, Jean-Luc Mélenchon est sommé de condamner les salariés d’Air France, mais il met en parallèle la violence faite au DRH et celle faite aux salariés. Il refuse de dire que la mise en lambeaux d’une chemise est grave et, écartant l’exhortation faite par le journaliste de BFMTV, il refuse de condamner la colère de ceux qui ont obligé le DRH a abandonner sa veste, sa cravate et sa chemise pour être plus à l’aise dans la course à pied et l’escalade. Et il dit « merci aux salariés d’Air France ».
    https://www.youtube.com/watch?v=2POOjn_bMxs

    2) Ici, c’est Philippe Martinez secrétaire général de la CGT qui est cuisiné par Olivier Mazerolle sur RTL. Noter la crapulerie d’Yves Calvi qui, alors que l’émission est terminée (à 7mn10), à cette phrase ambiguë : «  Et Martinez, monsieur Martinez vient de nous dire : j’aime l’entreprise ; ça veut dire j’aime les patrons » (7mn19). Le secrétaire de la CGT peut in extremis protester : «  C’est Valls, qui dit ça ! ».
    https://www.youtube.com/watch?v=VOmJfojcxS8

    3) Ici, c’est le journaliste de Public Sénat qui veut que Pierre Laurent, dirigeant du PCF, condamne les brutalités jugées inacceptables par Valls :
    http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/air-france-pierre-laurent-deno...

    Et puis, cette vidéo qui sera un collector ; on ne s’en lasse pas. Les chaînes de télé (bien obligées par le succès de la vidéo sur Internet) en diffusent des courts passages (les moins intéressants, pardi). Ah ! cette hôtesse en colère devant les dirigeants d’Air France, méprisants, hautains, bien obligés de se taire et qui ne savent pas où se mettre physiquement, baissant la tête à tour de rôle, cherchant où poser leur regard. Ah, les péteux devant une femme seule, véhémente et polie ! Ah ! comme on les voit tels qu’ils étaient dans leurs bureaux peu avant, bouffi de puissance et de sentiment d’impunité.
    https://www.youtube.com/watch?v=fcbY5uOUBNA

    La provocation de la direction d’Air France a commencé en septembre 2014, lors des« Entretiens de Royaumont » qui se veulent « Le rendez-vous de la réflexion politique ».
    C’est ici :https://vimeo.com/116748738
    Si vous voulez savoir pourquoi deux dirigeants d’Air France ont été molestés par la foule des salariés désespérés, c’est cette vidéo qu’il faut revoir, celle ou le PDG fait rire un aréopage de patrons en disant, avec une mimique d’impuissance navrée, qu’au Qatar les salariés comme ceux qui l’embêtent sont en prison. C’est dans cette vidéo qu’il s’interroge sur l’interdiction du travail des enfants : « On a d’abord interdit aux enfants de moins de huit ans de travailler, puis l’interdiction a été portée à douze ans, puis à seize. (…) Qu’est-ce que c’est qu’un enfant ? Est-ce qu’il faut les faire travailler, pas travailler ? Pas sûr ».

    Et voir l’article du GS à ce sujet : http://www.legrandsoir.info/quand-alexandre-de-juniac-pdg-d-air-france...

    Le mot de la fin à un socialiste :

    Vladimir Marciac

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  • Sur Le Grand soir, mercredi 7 octobre

    Par Benjamin Lagues, Frédéric Lemaire (Acrimed)

    Lundi 5 octobre, le directeur des ressources humaines d’Air France a été pris à partie par les salariés en marge du comité central d’entreprise, qui a annoncé 2 900 licenciements d’ici 2017. Un spectacle qui a fait perdre aux éditorialistes leur sang-froid. Retour sur un « lynchage » médiatique : celui des résistances syndicales.

    Une presse écrite (presque) unanimement scandalisée
    L’occasion était trop belle et Le Figaro n’a pas manqué de s’en saisir. En « Une » de son édition du mardi 6 octobre, le quotidien de Serge Dassault s’interroge : « Les extrémistes d’Air France vont-ils tuer la compagnie ? »

    Cette « Une » tonitruante s’accompagne d’un éditorial signé Gaëtan de Capèle qui donne le la de la couverture médiatique des incidents du 5 octobre. On aurait ainsi assisté au « lynchage en règle » du DRH d’Air France, qui ferait écho à de précédentes « prises d’otage de dirigeants ». Des actes criminels, donc, qui « doivent être réprimés avec la plus grande sévérité ».

    Mais au-delà de ce seul événement, c’est bien le rôle des syndicats qui est pointé du doigt, responsables du « blocage social dont souffre la France ». Qu’il s’agisse des retraites, du droit du travail ou encore de l’assurance chômage, « il se trouve, à chaque fois, une opposition syndicale pour interdire de mettre en œuvre des solutions d’avenir ».

    Le Monde emboîte le pas au Figaro. En « Une » figure l’image du directeur adjoint d’Air France qui escalade une grille avec l’aide de la police pour échapper à la colère des salariés :

    La rhétorique figaresque du « lynchage » est reprise de manière très explicite par Plantu, qui signe un dessin avec la tendresse (un brin railleuse) qu’on lui connaît pour le mouvement syndical :

    Le quotidien « de référence » revient sur la crise d’Air France dans son supplément économie ; un supplément dont on a déjà évoqué le souci constant de pluralisme. Et logiquement, le seul témoignage que choisit de publier Le Monde pour faire la « chronique d’un crash devenu inévitable » est celui d’un cadre dirigeant pour qui « on en serait pas là si pendant vingt ans les directions de l’entreprise n’avaient pas acheté la paix sociale ».

    Mais pour Le Monde la faute en revient à l’État français qui « a soutenu la politique d’achat de la paix sociale, afin d’éviter les grèves. » Autant dire qu’il était temps de taper du poing sur la table ! A la lecture du quotidien, le licenciement de 2 900 salariés pourrait presque sembler magnanime. Puisqu’il s’agit de « s’adapter ou disparaître »…

    Ce journalisme pro-marché ne doit cependant pas surprendre de la part du quotidien du soir, devenu « l’accessoire préféré des classes dominantes ». Pas un dérapage, donc, mais bien une ligne éditoriale choisie et assumée.

    Le Parisien en rajoute dans le sensationnalisme en figurant la photo, en pleine page, du DRH d’Air France qui semble revenir de l’enfer :

    Là encore, une occasion de pester sur les mouvements syndicaux, et « la stratégie suicidaire de ses pilotes et plombée par des grèves indécentes aux conséquences financières désastreuses ».

    Un refrain entonné par Les Échos qui dénoncent, en « Une », un « dérapage » :

    Les Échos dénoncent les violences des salariés qui « ont manqué de lyncher » les dirigeants d’Air France. Elles témoignent d’une « civilisation où prévaudrait la loi du plus fort ». Mais surtout, elles sont représentatives des « dérapages » des syndicats « dans un pays où réformer est une mission quasi impossible ».

    Et l’éditorialiste du quotidien économique de s’indigner : « Trop c’est trop ! Après les occupations d’usine, les dégradations d’outil de travail et les patrons séquestrés, voilà donc venu le temps de l’agression physique des dirigeants. Un degré de plus dans la litanie des dérapages qui ponctuent trop souvent les conflits sociaux dans notre pays […] Le pavillon national ne peut pas être prisonnier de pilotes assis sur leurs privilèges et de casseurs surexcités. » Là encore, ce parti-pris ne doit pas surprendre de la part d’un quotidien qui, à l’instar du Monde, a choisi une ligne éditoriale libérale assumée.

    « Sondages » bienveillants
    Le Point, quant à lui, en appelle à ses lecteurs avec une question parfaitement neutre [1] :

    De la même manière, M6 et Yahoo en appellent à la sagesse populaire par une question là aussi pas du tout orientée :

    Côté presse écrite nationale, L’Opinion clôt le bal des outrés avec une délicatesse toute particulière : « Ce serait probablement beaucoup demander à ces quelques abrutis qui ont molesté les dirigeants d’Air France que de réfléchir aux conséquences de leurs actes ».

    Notons enfin que les télévisions d’information en continu ne sont pas en reste : alors que BFM business revient gravement sur les maltraitances des patrons par leurs salariés (« Quand les patrons sont malmenés par leurs salariés »), I-télé s’interroge : « Après Air France, quelle vision des syndicats ont les Français ? ».
    ***
    Acrimed a eu beau chercher, aucun « grand média » ne s’est interrogé sur l’image des patrons après l’annonce des licenciements à Air France. Si les violences à l’encontre de deux cadres d’Air France ont suscité les cris d’orfraie des éditorialistes, la violence d’un plan de licenciement touchant 2900 personnes a provoqué, quant à elle, au mieux un silence résigné, au pire des justifications enthousiastes.

    Redisons-le encore et encore : le problème du traitement médiatique du cas Air France n’est pas un problème d’opinion. Que des journaux assument une ligne libérale n’est pas en soi un problème, c’est même leur droit le plus absolu. En revanche, l’unanimisme de la presse dominante, en particulier pour jeter l’opprobre sur les résistances sociales, pose un évident problème de pluralisme.

    Et le cas Air France montre une fois de plus comment une partie de la presse française se comporte en chien de garde des intérêts des classes dominantes, toujours prompte à condamner les « violences » des salariés et à cautionner la violence (invisible) du marché.

    Benjamin Lagues et Frédéric Lemaire (avec Julien Salingue)
    Mercredi 7 Octobre 2015.

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