• | Par Martine Orange

     Le grand oral de François Hollande devant la Commission européenne s’est passé sans surprise. Face à une assemblée dont il a loué le « pragmatisme », François Hollande a pris tous les engagements que Bruxelles souhaitait : la France allait se conformer à la feuille de route dressée par Bruxelles. En contrepartie du sursis de deux ans obtenu pour redresser les comptes publics et ramener le déficit budgétaire en dessous de la barre symbolique des 3 %, elle allait mener les fameuses réformes structurelles exigées. « En France, nous avons engagé des réformes de compétitivité et nous allons continuer, non parce que l'Europe nous le demanderait mais parce que c'est l'intérêt de la France », a déclaré le président de la République, dans l’espoir de réfuter la thèse que le gouvernement français n’a aucune marge de manœuvre face à Bruxelles.

    Une impression que s’est vite empressé de dissiper José Manuel Barroso, lors de la conférence de presse commune. La France vit désormais sous le régime du Mécanisme européen de stabilité et de la Troïka. Sans divulguer les points précis que la commission va présenter le 29 mai au gouvernement français, le président de la Commission européenne l'a averti qu’il devait s’engager sans tarder vers de nouvelles réformes structurelles en contrepartie du sursis accordé. Soulignant le « poids exorbitant de la dette », Barroso a déclaré que la France devait rattraper deux décennies de compétitivité économique perdue.

    Avant même de connaître le déroulement de ce grand oral à Bruxelles, de nombreux économistes en avaient anticipé le résultat. Trois d'entre eux s'en expliquent dans Mediapart. « Ce gouvernement n’a aucune boussole pour sortir de la crise. Il fait des ajustements à la marge. Mais la rupture de fond est sans cesse repoussée », constate Christophe Ramaux, chercheur au centre économique de la Sorbonne. « Depuis vingt ans, la France a une tactique perdante en Europe, renchérit Henri Sterdyniak, économiste à l'Office français des conjonctures économiques (OFCE). Elle dit oui et tente de ne pas le faire. Alors que la bonne tactique serait de s’opposer, mais la France refuse de le faire. Elle se tait. On a accepté le traité budgétaire, on va faire les réformes demandées mais en essayant de les limiter. C’est une politique peu glorieuse et assurément perdante. »

    Pour eux, la France, contrairement à la version présentée, est pourtant dans une situation de rapport de forces qui lui est favorable. Car la politique d’austérité et d’ajustement budgétaire imposée par Bruxelles est en train de tourner au fiasco. Là encore, sans surprise selon eux, « mener une politique d’ajustement budgétaire en période de récession ne fonctionne pas. Cela ne conduit qu’à la catastrophe. Toutes les expériences économiques le prouvent », insiste Christophe Ramaux.

    Trimestre après trimestre, la catastrophe annoncée se précise. Toute la zone euro s’enfonce dans la crise comme le prouvent les derniers chiffres publiés ce mercredi. À l’exception de l’Allemagne, qui affiche un symbolique 0,1 % de croissance au premier trimestre, tous les autres pays sont à nouveau en récession. La zone euro est en train de connaître la plus longue période de destruction économique depuis la Seconde Guerre mondiale.

    Face à un tel bilan, il y avait moyen pour la France de faire entendre sa voix et de mener le combat pour une autre politique. Elle a préféré esquiver et avaliser le discours bruxellois d’une formidable faveur consentie à la France, en lui accordant un sursis de deux ans. « Le temps qui nous a été donné doit être mis au service de réformes de compétitivité et de croissance. Ce ne sont pas tant les déficits budgétaires que les écarts de compétitivité (entre les économies européennes – ndlr) qu'il faut corriger », a soutenu François Hollande.

    Contre-révolution néolibérale

    Cette acceptation sans nuances par François Hollande de la présentation des faits donnés par la commission ne laisse de surprendre. « Il n’y a eu ni “pragmatisme”, ni concession et encore moins de cadeau. Si la commission a accepté de changer son calendrier sur la réduction des déficits, c’est qu’elle n’avait tout simplement pas le choix. Son programme d’ajustement budgétaire est irréaliste. Elle tente maintenant de faire passer ses erreurs manifestes d’appréciation comme un cadeau. Mais il n’y en a aucun. La réalité l’a simplement rattrapée », relève l’économiste Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévisions à l’OFCE.

    « Présenter le sursis obtenu comme une victoire de la France est faux, ajoute Christophe Ramaux. La commission n’avait pas les moyens de faire autrement. De plus, ce n’est pas la France mais les Pays-Bas, un des gardiens du temple du néolibéralisme, qui ont mené le combat. Ils ont mené un débat interne très large avec toutes les forces politiques et sociales sur la conduite à tenir face à la récession. Et ils ont décidé unilatéralement de surseoir au plan d’austérité qui les menait à la catastrophe, sans rien demander à la commission. Non seulement, ils ont décidé de ne pas réaliser les économies de 4 milliards d’euros supplémentaires imposés pour revenir aux 3 % de déficit budgétaire mais ils ont différé aussi les réformes structurelles. » Curieusement, la Commission européenne ne parle pas des entorses néerlandaises et n’a pas l’air de formuler les mêmes exigences vis-à-vis des Pays-Bas.

    Mais cet allongement du calendrier ne change rien selon eux : la Commission européenne obéit toujours au même logiciel néolibéral. « Il n’y a pas d’inflexion. Nous sommes toujours dans les mêmes objectifs arbitraires sans lien avec la situation économique. Là où il faudrait des programmes de relance, on poursuit l’austérité par d’autres moyens », insiste Henri Sterdyniak. Des réformes, il en voit de nombreuses qui s’imposent, mais pas celles préconisées par la commission. « Limiter la domination de la finance, faire une vraie séparation bancaire entre les banques de dépôts et d’investissement, en finir avec la concurrence fiscale… Cela devrait être des réformes impératives. On oublie les origines de la crise. Elle n’a pas été causée par les allocs et les retraites, mais la faillite du modèle néolibéral financier. On utilise la crise pour faire avancer les réformes néolibérales », insiste-t-il.

    Cette amnésie des faits, cette inversion des causes et des responsabilités les frappent. « Alors qu’en 2007, tous les néolibéraux étaient sous la table, peinant à trouver le moindre argument pour défendre un système en faillite, nous assistons depuis 2010 à une vraie contre-révolution néolibérale en Europe », rappelle Christophe Ramaux. Pour lui, les mots ont un sens. « Parler de réformes structurelles est fortement connoté. On reste dans la vision néo-classique de l’État : les structures sont le problème et il faut à tout prix poursuivre leur démantèlement, déstabiliser un peu plus l’État social. »

    Là encore, les premiers résultats de cette politique de démantèlement social ne sont pas ceux escomptés. En Espagne, en Grèce, au Portugal, en Irlande, où les recettes préconisées par Bruxelles ont été appliquées à la lettre, les taux de chômage atteignent des records, et il en est de même pour les faillites d’entreprises. Les économies sont entraînées dans des spirales dépressives qui semblent sans fin. Il faut remonter à l’expérience de la stratégie du choc libérale menée en Russie au début des années 1990, après la chute de l’URSS, pour retrouver un tel effondrement économique.

    Déflation salariale

    Dans le même temps, les déficits et l’endettement public, qui étaient censés diminuer, explosent au contraire. En cinq ans, l’endettement de l’Espagne est passé de 58 % à presque 100 % du PIB. Celui de la Grèce dépasse les 170 %. Celui du Portugal a augmenté de 25 % depuis le plan de sauvetage.

    Les économistes interrogés en sont sûrs : en s’engageant dans la même voie que ses voisins du Sud, la France est condamnée à connaître la même catastrophe. Car tous les stabilisateurs économiques, qui ont joué lors de la dernière crise de 2008 et qui avaient permis à l’économie française d’être un peu préservée, semblent être appelés à disparaître.

    Le silence du gouvernement français face au dogmatisme européen les frappe d’autant plus que des réformes ont déjà été engagées mais ne sont jamais mises en avant. « La réforme de l’emploi est déjà en train. La partie sécurité est assez alléchante. Mais il est à craindre qu’elle ne soit jamais réellement mise en œuvre, au moins dans le contexte de crise actuelle. Cette réforme masque un déplacement du curseur vers les entreprises. Sans le dire, on est en train d’organiser la déflation salariale », pointe Xavier Timbeau.

    Le plus surprenant, pour eux, est l’absence de réaction de la France face aux demandes sur la libéralisation des services publics. « La commission profite de la situation pour nous refourguer ces vieilles recettes. Mais qu’a à voir la libéralisation de l’énergie avec la crise ? Rien. C’est d’autant plus grave que ce débat sur l’énergie n’a pas à être mené sur un coin de table. Il y a des enjeux de sécurité, de compétitivité sur le long terme. Un débat doit être mené avec le reste de l’Europe sur le nucléaire, les gaz de schiste, les approvisionnements. On sait qu’on est dans un contexte de grandes incertitudes, qui va requérir des investissements très lourds. Et on nous ressort des concepts inadaptés des années 1990 », s’impatiente Xavier Timbeau.

    « La commission reste dans le dogme néolibéral. Mais il est des biens collectifs, des situations de monopole naturel, comme typiquement l’énergie ou le ferroviaire, où le public est moins cher que le privé, pour le profit de tous, et pour une simple raison : il n’a pas le même coût du capital que le privé, il n’est pas obligé de rémunérer ses actionnaires », rappelle Christophe Ramaux. Mais là encore, cette leçon d’économie a été volontairement oubliée.

    « Si la France accepte sans discuter la vision néolibérale de Bruxelles, ce n’est pas seulement par tactique ou par faiblesse. Le mal est plus profond que cela. Toute une partie des élites, notamment à Bercy, est persuadée que ces réformes structurelles sont exactement ce qu’il faut faire. On est en train de payer des années de régression intellectuelle, d'absence de débat théorique », dit Christophe Ramaux. Cette carence risque de se payer au prix fort.

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  • Mise à jour : les horaires des cars mis en place dans toute la Dordogne pour se rendre à la manifestation de soutien du 25 mai

    Le Parti de Gauche de Dordogne est signataire de l'appel suivant lancé par les salariés de la papeterie de Condat :

    Appel aux habitants de la Dordogne et à leurs élus

     

    Les papeteries de Condat sont le premier employeur industriel de Dordogne, avec 650 emplois. Elles appartiennent au groupe LECTA, second papetier européen du papier couché, lui-même détenu par CVC Capital Partner, un fonds d'investissement basé au Luxembourg possédant des filiales dans divers autres paradis fiscaux et qui achète, vend, restructure en fonction des marges de profit qu'il peut espérer.

     Cette logique exclusive de rentabilité immédiate, purement financière et la volonté de continuer à distribuer des dividendes conduisent le groupe LECTA à sacrifier l'usine de Condat.

     En décidant de supprimer une ligne de production et 154 emplois, il place délibérément le site de Condat en situation de perpétuel déficit, préludant ainsi à la fermeture progressive de l'ensemble du site.

     La Dordogne connaît une augmentation sans précédent du chômage. Avec un taux de près de 12 %, c'est un record historique pour notre département. Et la zone de Terrasson – Montignac est particulièrement touchée avec des taux de plus de 16 %.

     Dans ce contexte, avec les suppressions d'emplois induites (transports, restauration, commerces, services publics, …), ce sont près de 450 emplois qui seraient supprimés dans le secteur.

    C'est économiquement et socialement inacceptable.

     D'autant qu'il existe d'autres solutions : la technicité et le savoir-faire des salariés de Condat, la qualité et les capacités productives des machines peuvent permettre de développer des projets dont la rentabilité permettrait largement d'assurer les coûts.

    La diversification de la production tout à fait possible avec les machines actuelles, le développement de la recherche et de produits nouveaux pour faire face à l'évolution du marché, la mise en place de réseaux de distribution directe, autant de projets possibles qui permettraient de préserver les emplois et la vie économique locale. Faut-il encore que le groupe LECTA accepte d'être socialement responsable et d'abandonner sa logique financière destructrice ?

    Les salariés de Condat ne peuvent pas se battre seuls face au groupe LECTA. Sur les sites italiens et espagnols, les pouvoirs publics sont largement impliqués dans la sauvegarde des emplois. Ce n'est pas le cas en Dordogne.

    C'est pourquoi, nous, organisations syndicales des salariés de ce département, nous appelons toute la population et tous ses élus à se mobiliser pour sauver l'un des rares fleurons industriels local, préserver tous les emplois et faire gagner la logique humaine face à la logique financière du groupe.

    Signez les pétitions, apportez votre soutien aux salariés en lutte, faites connaître votre désaccord à LECTA, sollicitez vos élus, des conseillers municipaux et généraux aux parlementaires, ... Dans les semaines qui viennent, nous vous proposerons d'autres actions, …

    Mobilisez-vous : les salariés de Condat et l'économie de la Dordogne ont besoin de vous !

     

    Les signataires :

     CGT - FSU - Solidaires - UNSA - ATTAC - Appel des appels – ADECR – Front des Luttes à Terrasson – Confédération Paysanne - NPA - PCF – PG – Gauche Anticapitaliste – Gauche Unitaire – FASE.

      

     

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  • La conférence de presse de François Hollande

    Hollande : bon élève de l’Allemagne et meilleur soutien du patronat

    Jeudi 16 Mai 2013
    Martine Billard, co-présidente du Parti de Gauche

    Cp_hollande07 On n’attendait pas grand chose de ce discours mais le résultat est affligeant.
    Les 4 axes de politique économique annoncés sont de philosophie totalement libérale. Dans sa course de complaisance vis à vis du Medef, Il en est à se vanter d’être meilleur que ne l’a été N. Sarkozy pour ce qui est de la baisse des dépenses publiques et de la casse du droit du travail.

    "Le mensonge déshonore la République" dit F. Hollande sauf visiblement lorsque c’est lui qui le tient.
    Le voilà dénonçant les politiques d’austérité qui conduiraient à la récession au moment même où la France y est officiellement entrée du fait même de ce type de politique. Il vante la loi de séparation des banques de dépôt et d’affaires qui n’a rien séparé du tout. Il nie la soumission aux exigences de Bruxelles en contrepartie du report de 2 ans pour ce qui est de la diminution à 3% du déficit public alors que tout son discours l’illustre.

    Malgré son échec, il persiste dans sa politique libérale.
    Il va maintenant brader les entreprises publiques et veut jeter encore plus notre pays dans les bras de la finance y compris internationale. Il se plie à l’exigence du gouvernement Merkel quant à un gouvernement de la zone euro sans même remettre en cause l’orientation de ces politiques ultra-libérales. C’est la suite du Traité Merkozy en pire.

    Les Français auront compris en l’écoutant que ce qui est proposé c’est la continuité dans le changement : encore des avantages fiscaux pour les entreprises et toujours plus de réductions de droits pour les travailleurs à commencer par les retraites.

    Le 5 mai dans la rue, 180 000 personnes ont dit leur refus de ces orientations. Les semaines à venir, à commencer par les répliques régionales des 1er et 2 juin, permettront à toutes celles et ceux qui refusent cette politique de plus en plus libérale de le dire haut et fort.

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  • D'après une dépêche de l'Agence Reuters, la grève des enseignants annoncée pour le vendredi 17 mai a été "interdite" par le gouvernement grec. C'est ainsi que les enseignants seront "réquisitionnés", sous peine d'arrestation et de licenciement pour les récalcitrants qui refuseraient de venir travailler.

    C'est la troisième fois que le gouvernement grec recourt à cette mesure en interprétant de façon outrancière les motifs prévus par la Constitution pour sa mise en oeuvre : en effet, la réquisition des fonctionnaires n'est autorisée "qu' en cas de troubles de l'ordre public, de catastrophe naturelle ou de menace sanitaire". Depuis quand une grève relève-t-elle a priori de l'une de ces 3 catégories ?

    Seuls les régimes autoritaires ou dictatoriaux osent assimiler la grève à un "trouble à l'ordre public" !

    Le gouvernement grec, dirigé par le conservateur Antonis Samaras, et soutenu par les "socialistes" du  Pasok  et la "Gauche Démocratique", révèle la réalité de l'Europe austéritaire, dirigée par la Troïka (BCE, Commission européenne et FMI) avec l'assentiment des gouvernants : le peuple soumis à des restrictions aussi inhumaines qu'inefficaces, et réduit par la force au silence afin de "rassurer les créanciers internationaux".

    Devant cette atteinte aux principes démocratiques et aux droits des citoyens, l'omerta est presque totale : LeMonde, le Figaro, l'Express, le Point, Libération et tous les autres grands journaux considèrent sans doute que cette information est sans importance... (seuls l'Humanité et les Echos, selon Google aujourd'hui, ont repris cette dépêche).

    Pourquoi n'entendons-nous pas le choeur des éditocrates, si prompts à défendre les manifestants quand ils sont ceux de l'opposition au gouvernement vénézuelien ? Pourquoi les partis "de gouvernement" ne condamnent-ils pas cet abus de pouvoir intolérable ?

    Pour nos médias "mainstream", il ne faut peut-être pas donner à voir aux français de quoi les gouvernements soumis à la Troïka sont capables pour préserver les intérêts de l'oligarchie financière.

    Il ne faut pas non plus renforcer le sentiment de rejet, par une majorité de nos concitoyens, de cette Union Européenne telle qu'elle est, soutenue par les médiacrates du dîner du Siècle, qui en retirent privilèges et reconnaissance sociale.

    Pour les politiques, la droite ne peut qu'approuver de voir enfin les citoyens contestataires mis au pas : elle n'a jamais cessé d'en rêver ! (sauf lorsqu'il s'agit de s'opposer au mariage pour les homosexuels...).

    Quant au parti que se dit "socialiste", il n'a rien trouvé à redire lorsque naguère son "parti frère" le Pasok a accepté, toute honte bue, de siéger aux côtés de l'extrême droite dans un gouvernement d'union nationales. Ce n'est donc pas aujourd'hui que le parti solférinien exprimera la moindre protestation.

    En revanche, tout citoyen vraiment de gauche ne peut que s'élever et condamner avec force la violence faite aux grecs dans leur droit à s'opposer aux politiques guidées par les seuls intérêts de la finance.

      

     

      

      

      

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