• Le PS refuse de s’engager sur le Grand marché transatlantique

    Sur Politis.fr - 21 mai 2014

    Les candidats socialistes refusent de se prononcer avant la fin des négociations UE-USA. Mais affirment dans une tribune que leur vote sera conditionné au respect de six « exigences ».

    L’irruption dans la campagne européenne du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, connu sous les sigles TAFTA, TTIP ou GMT (pour Grand marché transatlantique), embarrasse les socialistes. Le Front de gauche, qui dénonce ce projet depuis cinq ans et demande l’arrêt immédiat des négociations, en a fait un de ses chevaux de bataille ; ses candidats s’engagent à rejeter l’accord au terme des négociations. Europe écologie-Les Verts dénonce également ce futur accord de libre-échange, depuis que, l’été dernier les eurodéputés Verts ont opéré un virage sur l’aile ; auparavant et jusqu’en 2010 au moins ils avaient voté plusieurs résolutions réclamant la réalisation « d’ici à 2015 (…) d’un marché transatlantique ». Jamais en retard pour s’accrocher à une cause qu’elle juge porteuse, Marine Le Pen a déclaré « la guerre » à ce traité, sans prévenir tous ses conseillers régionaux, dont les votes en Paca, en Rhône-Alpes ou en Picardie, ne manifestent aucune hostilité à ce projet.

    En quelques jours, ce traité en cours de négociation est ainsi devenu « un épouvantail dans la campagne », selon l’expression empreinte de neutralité du Monde. Toutes les listes en présence sont désormais sommées de se positionner. Le 22 mai, l’Assemblée nationale débat d’une résolution proposée par les députés du Front de gauche. Le PS s’est empressé de la caviarder en commission, mais ne pourra éviter un vote en séance, révélateur des positions de chacun.

    L’urgence d’attendre

    Soucieux de déminer le terrain, les têtes de liste (hommes et femmes) du PS aux élections européennes dans les huit circonscriptions inter-régionales [1] ont publié mardi 20 mai, sur LeMonde.fr, une tribune titrée : « Un accord de libre-échange, sinon rien. » Ce texte écrit dans l’urgence [2], sans qu’on sache très bien s’il a vraiment été discuté, où, quand, et par qui, est néanmoins intéressant puisqu’il prétend coucher sur le papier la position du PS [3]. Laquelle tient en huit mots : attendre la fin des négociations pour se prononcer.

    Attendre. Le PS refuse « une posture facile et électoraliste », lit-on, et veut prendre son temps pour « évaluer les potentialités d’un accord géostratégique » dont la suite du texte ne cache pas qu’il constitue un projet clef « à l’heure de la compétition des Etats-continents et des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ». Comme « nous n’en sommes qu’au tout début des discussions » et qu’elle vont, prétendent-ils, se prolongerCe n’est pas le souhait de François Hollande qui déclarait, le 11 février, lors d’une conférence de presse à Washington :« Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. », les signataires suggèrent de mettre à profit cette « longue période » pour « organiser un débat de fond, démocratique, public et transparent ».

    Se prononcer. Conscients qu’ils ne peuvent pas s’en tenir à cette proposition qui aurait amusé Clémenceau, les signataires listent pour finir six « exigences » qui, juré, craché, devront être respectées :

      • « la non-introduction d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats qui permettrait à une entreprise étrangère de contourner les juridictions nationales pour attaquer un pays devant une Cour internationale d’arbitrage si elle estime qu’une loi a lésé ses intérêts. Les multinationales ne doivent pas obtenir plus de garanties que les politiques publiques !
    • la non remise en cause de nos choix de société en matière d’éthique, de droit du travail, de santé et de sécurité alimentaire qui constituent nos « préférences collectives » et fondent le modèle social européen ;
    • la protection des données personnelles ;
    • la préservation des indications géographiques comme les appellations d’origine contrôlée (AOC) ;
    • la protection de la propriété industrielle et intellectuelle ;
    • la préservation de la qualité des services publics. »

    Six exigences assorties d’un serment :

    « Candidats à l’élection européenne du 25 mai prochain, nous prenons un engagement clair et ferme : si l’une de nos exigences n’était pas respectée, nous, socialistes français, prendrons nos responsabilités et rejetterons cet accord. »

    Rien de nouveau depuis Amsterdam et le TCE

    Que vaut cet engagement ? Ce n’est pas la première fois que sur un sujet européen, le PS énonce des « conditions » et des « exigences » pour l’adoption d’un traité ; l’histoire enseigne qu’elles n’étaient que des chiffons de papier.

    Fin 1996, pour couper court au débat sur l’euro qui agite le PS (dans l’opposition), Lionel Jospin adopte une ligne dite « euroréaliste », « oui » à la monnaie unique, « non » à la façon « actuelle » de la faire. Et formule, avec l’aide de Pierre Moscovici, à l’époque secrétaire national aux études, « quatre conditions » au passage à la monnaie unique censées permettre « une réorientation de la construction européenne ». Elles affirmaient notamment la nécessité de créer un gouvernement économique européen en face de la banque centrale, et d’élaborer un « pacte de solidarité et de croissance », qui serait en quelque sorte une correction et un contrepoids « politique » aux critères purement « comptables » du pacte de stabilité. En juin 1997, tout frais élu à Matignon, Lionel Jospin accepte de signer au sommet européen d’Amsterdam le pacte de stabilité, qu’il qualifiait quelques jours plus tôt de « Super Maastricht », contre une vague prise en compte de la croissance. Rien de plus.

    Octobre 2003. Pour tenter de mettre un terme aux divisions apparues au sein du PS sur le projet de constitution européenne élaborée par la Convention présidée par Valéry Giscard d’Estaing, la direction du PS décide d’attendre de connaître les résultats de la Conférence intergouvernementale qui vient de s’ouvrir pour se prononcer. Promet un réforme interne à son issue, et adopte en conseil national « sept exigences » (à relire ici en intégralité) dont la prise en compte déterminera, affirme-t-elle, la position du PS sur le traité constitutionnel européen. Le PS enjambe ainsi les élections européennes de juin 2004 avec ses belles exigences sous le coude. Deux mois après, bien qu’elle n’aient pas été satisfaites, François Hollande et la majeure partie des dirigeants du PS s’engagent pour le « oui ».

    L’histoire bégaie...

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  • Commentaires

    1
    Degorde
    Mercredi 21 Mai 2014 à 13:26

    Excellent rappel bienvenu. Décidément dès qu'il s'agit de l'Europe le PS est le parti de l'étranger et est prêt à tous les compromis tous les renoncements. J'espère que le débat du le GMT qui s'est ouvert - mauvaise surprise pour le PS qui ne s'y attendait pas et a été surpris -- aura pour conséquence d'ouvrir les yeux et d'écarter même leurs électeurs de voter pour eux

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