• Manuel Valls, les sondages et la manipulation

    Quelques jours après avoir proféré des propos indignes d'un ministre de la République, et simplement obscènes dans la bouche d'un homme qui prétend encore et contre toute évidence "être de gauche", voila un sondage qui tombe à point pour conforter Manuel Valls dans sa dérive démagogique.

    Réalisé les 26 et 27 septembre par BVA pour Le Parisien, il annonce, dans sa synthèse des résultats et sous la plume du directeur général adjoint de l'institut Gaël Sliman, le "triomphe total du ministre de l'intérieur dans l'opinion". Pour preuve, les réponses  aux 3 question posées, dont en particulier celle-ci :

    "A propos des roms, le ministre de l'intérieur Manuel Valls a déclaré que "l'intégration ne peut concerner que quelques familles et il n'y  a pas d'autre solution que le démantèlement des campements et les reconduites à la frontière" : 77% jugent "qu'il a eu raison de tenir ces propos".

    Repris en boucle dans tous les médias, voila Manuel Valls auréolé de légitimité : "les français sont avec lui !", n'en déplaise aux bobos gauchos, et les éditocrates de reprendre cette antienne avec un ensemble touchant.

    Quand on a la curiosité (bien malsaine, je le reconnais...) d'aller voir le détail du sondage (disponible ici), on constate quelques particularités éclairantes sur ce résultat "triomphal" et la manière de l'obtenir.

    Le sondage est constitué de 3 questions.

    La 1ère : "A propos des roms, diriez-vous qu'ils s'intègrent très bien, plutot bien, plutot mal ou très mal dans la société française" ?

    Réponse : 93 % jugent qu'ils s'intègrent mal ou très mal. Quelle surprise ! Après des semaines de battage médiatique et d'exploitation politique sur les problèmes réels ou supposés de l'intégration des roms, le contraire aurait été très étonnant...

    Pourquoi d'ailleurs avoir posé cette question ? Pour une raison simple : elle plante le décor pour la question suivante, celle-là même qui porte sur les propos de Valls.  Car si presque tout le monde est d'accord pour constater les difficultés d'intégration des roms, c'est donc bien qu'il y  a un "problème rom", et qu'il appelle une réponse : celle de Manuel Valls tombe donc à pic, d'autant plus que BVA n'en propose pas d'autre aux sondés ! (Alors que pourtant elles existent, portées en particuliers par de nombreuses associations connaissant leur sujet depuis des années...)

    Mais le meilleur se trouve dans la question complète :

    "vous personnellement pensez plutôt qu'il a  raison de dire cela car il faut dire les choses clairement".

    ou bien :

    "Qu'il a tort de dire cela car il ne doit pas stigmatiser une partie de la population"

    Dans le 1er cas, l'argument imposé par BVA au sondé attribue aux propos de Valls la valeur d'une supposée "constatation objective", qu'il reviendrait au ministre de révéler sans fard. "Car il faut dire les choses clairement", sous-entendu : "elles sont effectivement comme ça, c'est une évidence."

    Dans le second cas, l'argument imposé par BVA au sondé place l'opinion du sondé dans le registre moral : ce n'est pas bien "de stigmatiser une partie de la population".

    Si, comme le suggère insidieusement BVA dans la première option, les propos de Valls découlent de l'observation de la "réalité", alors, et dans la mesure où les 2 proposition sont mises en opposition par l'institut afin de séparer les "pour" des "contre", le jugement moral condamnant ces propos ne repose pas, lui, sur une prise en compte de la "réalité", mais évidemment sur son ignorance ou même sur son déni.

    Position reposant sur une prétendue "réalité objective" d'un côté, jugement moral ignorant de cette "réalité objective" de l'autre, on voit clairement l'argument qui a le plus de force ! Et donc le plus de chance d'induire le "bon choix" chez le sondé...

    Par exemple, si ne serait-ce que la 2ème proposition avait été formulée comme suit : "il a tort de dire cela, car le point de départ de son opinion (seule une minorité de roms souhaite s'intégrer) ne repose sur aucune étude ou donnée statistique", le résultat eut été sans doute différent.

    Cette façon de suggérer un raisonnement dans la question prive de sa liberté de réflexion le sondé, qui se prononce en fonction d'un schéma qui lui est imposé, et qui découle le plus souvent des a priori du commanditaire du sondage. Il serait beaucoup plus intéressant de poser la question toute nue ("approuvez-vous ou bien désaprouvez-vous les propos de Valls"), en recuillant les arguments avancés spontanément par le sondé... Une fois classés, on pourrait apprécier la valeur des arguments des uns et des autres.

    Ce "guidage" des réponses se retrouve dans la 3ème question :

    "Diriez-vous de Manuel Valls qu'il est trop à gauche, pas assez à gauche, ou juste comme il faut, ni trop ni pas assez à gauche?"

    Il est donc exclu que le sondé puisse exprimer l'idée que Valls serait à droite, voire à l'extrême droite, opinion qui pourtant existe si j'en crois de nombreux blogs ou commentaires sur les sites internet. Et voila les tenants de cete opinion dissimulés dans les 19% qui ne le trouvent "pas assez à gauche", faute d'une proposition plus précise. Mais laisser apparaître un tel point de vue mettrait du désordre dans le décor soigneusement entretenu du petit théatre politico-médiatique...

    Quant aux 67% qui le jugent "juste comme il faut", juste après avoir été induits à penser que somme toute il a raison sur les roms, un résultat plus faible eut été étonnant...

    Voila comment en 3 questions on peut sinon créer de toute pièce, du moins tranformer un éventuel bon score en un "triomphe" exploitable à la fois pour vendre du papier et pour modeler l'opinion, en fonction des attentes de celui qui paie le sondage, et peut-être aussi de l'institut.

    M.C.

      

      

     

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