•  Les élections départementales de mars 2015 seront un test politique important.

    Elles interviendront dans un contexte d’aggravation de la politique libérale conduite par le président de la République et son gouvernement, une politique au service du MEDEF dont le cours autoritaire face aux luttes populaires renforce le discrédit sans précédent de l’exécutif.

    La crise politique s’aggrave de jour en jour, la base sociale du président et de son premier ministre ne cesse de se réduire. Ce pouvoir est aujourd’hui minoritaire dans le coeur de celles et ceux qui restent attachés aux valeurs de la gauche. Minoritaire dans le peuple, sans majorité absolue à l’Assemblée Nationale, battu au Sénat, l’exécutif n’a pas la légitimité pour appliquer une politique, contraire à ses engagements électoraux, qui divise et décourage le monde du travail, les classes populaires et la jeunesse.

    Cette crise politique est désormais une crise de régime, celle de cette monarchie présidentielle
    qu’est la 5ème République.

    Pour les populations déjà durement éprouvées, les conséquences sont très lourdes. Les départements sont en effet un maillon essentiel des politiques publiques dans notre pays. Avec 72 milliards d’euros de dépenses chaque année, ils gèrent notamment toutes les politiques sociales : assistantes sociales, versement des allocations de solidarité (RSA, APA, PCH, …), placement et suivi des mineurs étrangers, politiques en direction de l’enfance en danger, PMI,
    etc …

    Cette situation est d’autant plus dangereuse qu’elle ouvre la voie au retour d’une droite confortée dans ses choix réactionnaires ; elle permet au Front national en masquant ses véritables objectifs, de se présenter comme une alternative.

    Le Front de gauche s’oppose à la fois à la politique d’austérité menée par le gouvernement et
    à l’offensive de la droite et de l’extrême droite.

    En dépit de multiples protestations, l’existence même des départements est menacée. Manuel
    Valls passe en force.

    Pourtant le nouveau découpage des cantons est l’objet de nombreux recours auprès de la justice, le sort réservé aux départements en liaison avec la mise en place des métropoles n’est pas connu et les compétences des conseillers départementaux n’ont pas encore été clarifiées.
    La réforme territoriale mise en place cherche uniquement à répondre aux impératifs sans fin de compétitivité des grandes entreprises, par la mise en concurrence des territoires, l’éloignement des citoyennes et des citoyens de leurs élu-e-s, la mise en cause des services publics pour préparer leur externalisation et le transfert de tout ce qui est rentable pour satisfaire aux exigences financières des groupes privés. Elle rompt avec les principes républicains d’égalité et de solidarité territoriale. Le soi-disant « choc de simplification » est une recentralisation qui se fait au détriment du bien commun que constitue la démocratie locale. Il s’agit en réalité d’un processus « dé-constituant » qui mine toujours plus la souveraineté populaire.

    Cette réforme s’inscrit dans le cadre des politiques d’austérité qui cherchent à soumettre toute
    l’Union européenne aux exigences des marchés. Les collectivités territoriales sont sommées de réduire leurs dépenses et leurs effectifs, condamnées à voir leurs dotations drastiquement réduites alors qu’elles assurent 70% de l’investissement public et jouent un rôle indispensable en période de crise pour les populations.

    Déjà des coupes budgétaires touchent de nombreux secteurs. Le financement des associations, les politiques culturelles et sportives sont remises en cause. En supprimant « l’entrave à la concurrence » que constitue la clause de compétence générale des collectivités, le gouvernement est cohérent : il s’inscrit dans le cadre de la négociation du Grand Marché Transatlantique (TAFTA).

     

    Il faut ouvrir une autre voie.

    Le FdG veut être un outil au service de cet objectif

     

     

    Le Front de gauche appelle à susciter la plus large implication citoyenne possible, bien au delà des partis politiques, de celles et ceux qui opposent la nécessité de politiques alternatives aux choix de ce gouvernement, qu’il s’agisse de syndicalistes, de personnalités de la vie associative ou de simples citoyen-ne-s engagé-e-s.

    Mobilisons-nous pour sauvegarder et promouvoir les politiques publiques de solidarité que nos élu-e-s se sont efforcé-e-s de mettre en oeuvre dans de très nombreux territoires, pour faire échec aux politiques d’austérité et à la réforme territoriale. Mobilisons-nous pour développer une démocratie de proximité, ajustée aux besoins et à l’expérience des citoyens.

    Nous les appelons à ne pas traduire leur déception par l’abstention, à contribuer par leur vote à faire émerger une alternative de transformation sociale et écologique dans tout le pays, à faire élire de nombreuses élues et élus qui défendront ces orientations dans les collectivités locales en empêchant la droite et l’extrême-droite de gagner la très grande majorité des départements.

    Au plan national nous entendons prendre appui sur ces élections pour mettre en mouvement une force capable de construire l’alternative nécessaire à gauche, en nous appuyant sur les luttes et les résistances qui s’opposent à la politique suivie et que nous entendons contribuer à développer.

    Rien n’est possible sans la mise en mouvement du peuple, sans la mise en mouvement des citoyennes et des citoyens qui aspirent à un renouveau de la politique. C’est sur ces bases que le FdG entend impulser des candidatures citoyennes dans tout le pays. Nous n’entendons pas le faire seuls. C’est pourquoi nous, l’ensemble des composantes du FdG, nous nous adressons à tous nos partenaires potentiels de la gauche et de l’écologie qui refusent la politique du gouvernement.
    Nous voulons construire ces candidatures avec celles et ceux dont l’engagement associatif ou syndical témoigne de la volonté d’imposer une autre politique. Ensemble nous pouvons résister à l’austérité, promouvoir la démocratie locale et l’intervention citoyenne, contre la réforme territoriale. Nous voulons gagner des élus prêts à agir sur ces bases pour construire de nouvelles majorités anti-austérité dans les Conseils Départementaux. Le FdG invite toutes celles et ceux qui se reconnaissent dans cette démarche à construire des candidatures de large rassemblement en s’appuyant sur des assemblées citoyennes, au niveau des cantons, pour discuter et décider dans la concertation du contenu des propositions et des candidatures. Cette démarche contribuera à impulser une dynamique populaire indispensable pour gagner.


    Le FdG propose que l’ensemble de ces candidatures soit identifié nationalement par une appellation et des propositions inscrites dans un document qui fasse référence. Dans chaque département ces candidatures se présenteront comme une alternative à celles des forces qui soutiennent la politique gouvernementale.


    Le FdG entend contribuer à cette construction commune en proposant des actions et des
    mesures permettant de répondre aux urgences sociales et écologiques actuelles.


    -Agir contre les politiques d’austérité dans les départements, contre la réduction des dotations
    aux collectivités locales imposées par le gouvernement, contre les diktats de l’Europe.


    -Dans l’esprit de la VIème République à laquelle nous aspirons, combattre la réforme territoriale et donner plus de pouvoirs aux citoyens par une démocratie participative de proximité. Construire une véritable coopération de projets entre les territoires, basée sur la solidarité et non sur la concurrence. Nos élu-e-s respecteront des principes susceptibles de rétablir la confiance en la politique par de bonnes pratiques de gestion, la transparence des décisions, la participation citoyenne, les compte rendus de mandat, l’exigence de probité, la lutte contre le trafic d’influence, et tendre vers le non cumul des mandats.

    -Soutenir les mobilisations contre l’austérité, ainsi que celles qui promeuvent un nouveau type
    de progrès humain durable, non productiviste, respectueux de la planète, tourné vers la
    satisfaction des besoins sociaux, l’égalité hommes-femmes.


    -Affirmer notre solidarité avec les mouvements sociaux contre la répression patronale ou
    gouvernementale et la criminalisation de ces mouvements.

     

    Définir les grands axes d’une politique alternative à l’échelle des territoires :


    - Réforme globale de la fiscalité locale permettant plus de justice et mettant à contribution les
    actifs financiers des grandes entreprises.
    - Construction entre les départements, les communes et l’État, de politiques publiques de
    solidarité et notamment d’un véritable service public d’aide à la personne dans lequel l’Etat
    assurerait la responsabilité du financement des allocations sociales en se basant sur la
    solidarité nationale.
    - Mesures d’urgences pour les collectivités qui sont asphyxiées financièrement, en leur
    permettant l’accès à des crédits à taux bas, comparables à ceux que la BCE distribue aux
    banques (0,05%) et en refusant le paiement des emprunts toxiques.
    -Engager une transition écologique dans chaque département en matière de transports publics,
    de soutien à l’agriculture paysanne, de protection de la biodiversité, de gestion naturelle des
    massifs forestiers, de désobéissance aux règles européennes de libre échange et de
    privatisation des sous-sols (GMT-TAFTA)…
    -Nous refusons les projets qui ne répondent pas à l’intérêt général et sont écologiquement
    nuisibles et exigeons le recours au référendum quand un projet local est contesté.
    Le 17 décembre 2014

     

     

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  • Déclaration sur les élections départementales adoptée au CN du PG le 30 novembre

    Mardi 2 Décembre 2014
      Parti de Gauche

    LogoPGFDGhori.jpg 

    Pour une autre politique citoyenne, écologique et sociale pour le Département.

    L’heure est grave. Notre pays s’enfonce dans la crise et dans la déprime généralisée. Face aux défis de notre temps, alors que les ressources et la bonne volonté du pays sont immenses, l’énergie populaire est étouffée par une vie politique archaïque et des solutions périmées. La monarchie présidentielle, le productivisme le plus aveugle, la misère et le chômage de masse semblent être le programme indépassable du PS et de l’UMP. Dans ce contexte, l’extrême droite semble seule mobilisée. La faveur des importants l’accompagne pour pousser le peuple à se déchirer dans la haine religieuse et ethnique. Quel avenir absurde ce serait là !

    Nous ne l’acceptons pas. Nous ne nous résignons pas. Nous voulons un autre futur pour nous et nos enfants.

    Le temps d’un nouveau souffle est venu. Nous voulons le proposer au peuple tout entier. Les prochaines élections départementales nous donnent un moyen d’agir en toute démocratie, sans violence, par le débat et la conviction mutuelle. Quels que soient les votes du passé, elles peuvent contribuer à rassembler une majorité changeant le cours de l’histoire de notre pays.

    C’est pourquoi nous proposons de présenter des candidatures communes aux prochaines élections départementales. Nous partons de l’idée suivante : ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous sépare. Pour autant nous refusons la politique sociale, économique et environnementale du gouvernement. Nous combattons la politique de la droite et de l’extrême droite. Nous avons une autre idée qu’eux de ce qu’il faut faire pour nos vies. Pour cela nous voulons créer un rassemblement autonome agissant en dehors des partis qui soutiennent la politique du gouvernement Valls-Hollande ou celle que propose l’UMP ou l’extrême droite. Pour le Parti de Gauche cette indépendance des libéraux de gauche comme de droite se fera aux deux tours. Un rassemblement placé sous le contrôle direct des citoyens.

    Voici comment nous proposons d’agir. Voyons d’abord le projet.

    Rendre le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens

    Le pouvoir de l’Etat est confisqué par une minorité qui renie ses engagements de campagne, gouverne contre les citoyens et au profit des lobbys. Nous voulons que le pouvoir revienne aux citoyennes et aux citoyens dans les décisions publiques. Ainsi nous rejetons la réforme territoriale décidée par le gouvernement et préparée dans les hautes sphères de l’Etat sans aucune consultation populaire. Pourtant n’est-ce pas au peuple de décider de l’organisation territoriale de la France ? Nous défendrons dans les prochaines élections départementales l’instauration d’une véritable démocratie décentralisée. Cela commencera dès notre campagne par la mise en place d’assemblées citoyennes de canton pour co-élaborer le projet départemental et désigner les candidatures qui représenteront cette nouvelle méthode d’action ! Chaque personne investie par les votes de nos assemblées s’engagera à associer les habitants à ses prises de décisions à travers la tenue d’assemblées citoyennes, de compte rendu de mandat et des consultations populaires (Votations, referendum…) autant que nécessaire. Elles s’engageront publiquement à refuser le cumul de mandats électifs tel que défini dans la charte Anticor.

    Amorcer enfin la transition écologique

    Nous ne nous résignons pas à voir la catastrophe écologique s’aggraver chaque jour dans l’indifférence générale de ceux qui dirigent notre pays. Le réchauffement climatique a aujourd’hui commencé. Il y a urgence. Chacun doit prendre ses responsabilités là où il se trouve. Nous engagerons la transition écologique de notre département. Nous savons comment faire en menant une politique volontariste de développement et gratuité des transports publics et en agissant pour limiter les déplacements contraints entre le lieu de travail et le domicile; en soutenant une agriculture paysanne de proximité et en combattant l’artificialisation des sols; en favorisant la biodiversité et en incluant des règles sociales et écologiques aux marchés publics et aux aides du département. Avec nous, le département mettra au poste de commande l’intérêt général humain, notamment en ce qui concerne le cycle de l’eau et de la biodiversité !

    Rompre avec la politique austéritaire

    Nous rejetons les politiques économiques qui font de l’austérité et du remboursement de la dette publique le seul horizon proposé à la France et à nos jeunes. Elles nous conduisent seulement à l’appauvrissement progressif d’une partie croissante de la population. Nous refusons le pacte de responsabilité qui a transféré 40 milliards dus par les actionnaires sur les familles. La solution n’est pas dans le dogme de la croissance à tout prix, mais dans la relance d’activités socialement utiles et écologiquement soutenables. Ainsi, nous rejetons les Grands Projets Inutiles et Imposés (GPII). Dans tous les cas nos candidats devront s’engager à refuser les passages en force qui provoquent les violences et la haine. Nous le disons fermement: lorsqu’il y a un projet d’aménagement contesté c’est à la population de trancher. Nous voulons un département qui fasse vivre les valeurs de partage et de solidarité. Nous nous mobiliserons aux côtés des citoyennes et des citoyens contre la baisse des dotations publiques de l’Etat et défendrons les mesures de solidarité pour les populations les plus précaires. Nous développerons des services publics de proximité et gratuits, en particulier dans les zones rurales et dans les quartiers périphériques où sont empilées les populations pauvres. Nous défendrons l’emploi et les entreprises menacées de fermeture en soutenant notamment les reprises en Société Coopératives et Participatives. Notre soutien sera sans faille pour soutenir les productions locales dans tous les domaines car nous savons faire à proximité et il est absurde de déménager sans cesse le monde ! Notre approche en matière de développement partira des besoins vitaux et indispensables tels la santé et le logement et non des grands projets inutiles ou des opérations de prestige ruineuses comme les jeux olympiques que veut le président de la République !

    Voyons à présent la méthode pour agir efficacement.

    Pour réussir nous proposons d’établir une charte nationale qu’ensuite nous déclinerons dans chaque département.

    1) Nous voulons être identifiés sans ambiguïté au plan local comme national. Au plan local nous présenterons des candidatures citoyennes présentées par des assemblées citoyennes réunies par canton en respectant une cohérence départementale. Ces assemblées désigneront les candidatures. Celles-ci pourront être proposées individuellement devant l’assemblée elle-même ou proposées par les partis et mouvements qui soutiendront cette démarche. Pour le second tour nous proposerons que ce soit elles qui décident de la position commune au second tour. De son côté, chaque parti pourra évidemment se prononcer pour son propre compte. Ce qui implique que le ou la candidat-e ne devra exprimer de point de vue engageant l’assemblée citoyenne.

    2) Evidemment, toutes les candidatures seront publiquement présentées en contradiction claire et publique face aux partis qui soutiennent l’austérité ou la politique productiviste et libérale, que ce soit les forces de l’actuel gouvernement, à commencer par le PS, et l’UMP ou le FN. Pour qu’il n’y ait aucune ambigüité ni aucune récupération ou usurpation nous lançons cet appel pour qu’il soit entendu et mis en œuvre dans tout le pays. Car nous voulons que nos candidatures soient reconnaissables partout, indépendamment des prises de positions que les partis prendront comme c’est bien leur droit. Pour cela l’appartenance à notre mouvement doit être reconnaissable par un intitulé national commun, nous proposons d’opposer à la majorité gouvernementale une Majorité Citoyenne. Pour la clarté et la sincérité des candidatures et du vote, cette méthode doit être la même dans chaque canton d’un même département.

    Cette exigence de clarté, de sincérité et de respect de la décision collective citoyenne est au cœur de notre proposition. A partir de là, notre démarche a vocation à rassembler toutes celles et tous ceux, citoyennes et citoyens, militant-e-s associatifs ou syndicaux, qui veulent construire un autre avenir, pour une autre politique citoyenne, écologique et sociale dans les départements.

     

     

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  •  Mercredi 12 Novembre 2014

      Eric Coquerel

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    La première votation citoyenne sur le droit de révocabilité des élus initiée par le seul PG a démontré toute sa pertinence. Au-delà du résultat, son impact dans la population révèle surtout un peu plus la crise de régime. La prochaine votation fera mieux encore si, comme nous le souhaitons, elle est portée avec nous par d’autres organisations. La dynamique militante du PG n’est pas pour rien dans ce succès, mais le contexte est indiscutablement porteur. Chaque semaine apporte des éléments qui délégitiment la caste politique qui se partage l’essentiel des pouvoirs. A peine le verbiage libéral de François Hollande sur TF1 s’était envolé avec le vent – qui se souvient encore de cette nullissime intervention qui ne date pourtant que d’une semaine ? – que le déjeuner entre Jouyet et Fillon a symbolisé les accointances entre libéraux. Bien sûr, les rencontres entre responsables politiques de bord opposé ne sont pas chose nouvelle, mais chacun sent bien que ce déjeuner entre Fillon et son ancien ministre, aujourd’hui Secrétaire général de l’Elysée, symbolise un entre-soi d’une autre nature. En réalité, plus rien ne les sépare si ce n’est des rivalités d’autant plus violentes, parfois à l’intérieur du même clan, qu’elles n’ont plus aucun soubassement politique. Dans les couloirs du pouvoir les couteaux s’aiguisent, les mauvais coups se préparent mais chacun sent que cette guéguerre nauséabonde ne changera rien à sa vie. Le théâtre d’ombre de la 5ème République est en train de s’effondrer et François Hollande en est le fossoyeur involontaire. Après tout, voilà le service involontaire qu’il pourrait rendre au pays. Encore faut-il que sa Présidence ne nous prépare pas au pire. De ce point de vue aussi la votation citoyenne aura été un révélateur utile : les réactions de Florian Philippot ou les tentatives d’interdiction du Maire FN de Fréjus auront confirmé que leur parti est à la fois du côté du système et que ses traditions non républicaines s’accommodent fort bien, comme le PS et l’UMP, de la 5ème. Peut-être justement parce que la monarchie présidentielle est étrangère, au fond, à la République.

    Ouverte avec succès par la votation, la période du mi-mandat (élu le 6 mai, Hollande a été investi officiellement le 15 mai) va donc se clore dans la rue avec plusieurs manifestations en France dont deux de grande ampleur à Paris et Toulouse. Ces initiatives se répondent et se complètent, car dans les deux cas c’est bien de souveraineté populaire dont il est question. Qu’on ne s’y trompe pas, la politique d’austérité et de l’offre n’a pas seulement l’impact économique et social désastreux que l’on sait : elle donne la main au marché et au capital au détriment du peuple. La règle d’or inscrite dans le TSCG qui attribue à Bruxelles le droit de contrôler les budgets nationaux en est la démonstration. Sur l’autel du libéralisme, les peuples sont privés du pouvoir et se serrent la ceinture au profit de la finance. Les deux sont liés et dépendants. Le retour du peuple au premier plan est donc la seule solution pour contester l’austérité.

    De ce point de vue les nouvelles sont encourageantes : aux quatre coins de l’Europe et quasiment dans le même temps, les peuples relèvent la tête. Les manifestations de masse contre l’austérité se répondent du nord au sud du continent : de Bruxelles à Rome, d’Athènes à Londres… Les traductions de ce double rejet – de la politique austéritaire et de ceux qui la mènent – commencent à rencontrer des traductions politiques potentiellement majoritaires : Syriza bien sûr mais aussi Podemos, en tête dans les sondages devant le PSOE et dont le premier congrès se clôt samedi sur une place populaire de Madrid. Autant de bonnes nouvelles qui montrent qu’une autre voie est possible. C’est ce que diront avec force ce même samedi, à Paris et ailleurs, celles et ceux qui répondront à l’appel du collectif 3A pour un rassemblement inédit par la diversité des nombreux syndicats, partis et associations qui le composent. Après les urnes, tous dans la rue le 15 novembre !

     

     

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  • Par Jean-Luc Mélenchon

    LeMonde.fr 18/09/2014

    Abstrait le débat sur la VIe République ? Voyons. La France doit se protéger des pouvoirs de la finance. Ils dévorent l'économie réelle, qui ne peut supporter l'exigence de tels niveaux de rendement. Alors, un euro investi pour dix ans ne devrait pas avoir le même pouvoir de vote qu'un euro placé sans engagement de durée. Face à la désindustrialisation, ne serait-il pas opportun d'instituer un droit de préemption pour les salariés qui veulent reprendre leur entreprise quand son propriétaire la vend ou l'abandonne ? Un pays aussi instruit que le nôtre ne devrait-il pas miser d'abord sur l'intelligence collective des salariés d'une entreprise pour en conduire la stratégie et la marche ?

    Eux, plutôt que le seul PDG et sa suite dorée de cadres financiers obsédés par leurs stock-options. Surtout depuis que ces derniers commandent à la place des ingénieurs de production ! Comment créer un cercle vertueux du partage de la richesse, sinon en instituant un salaire plafond tel que le plus haut ne puisse être plus de vingt fois supérieur au plus bas dans la même entreprise ?

    LA FRANCE PEUT MONTRER L'EXEMPLE

    Pour tout cela, la définition des droits constitutionnels de la propriété privée du capital devrait changer. D'un droit sacré inaliénable, il doit devenir un simple droit d'usage, encadré par les servitudes de l'intérêt général. Sans cela, comment accroître la rémunération du travail qualifié et réduire le coût du capital dans la production ? La reconnaissance due au travail et à l'imagination créatrice est l'urgence. Ce n'est pas un choix de circonstance ni même idéologique. Car la production et l'échange doivent impérativement changer de méthode. Il faut relever le défi des conséquences du changement climatique, de l'augmentation de la population et de la compétition pour l'accès aux ressources.

    La France peut montrer l'exemple. Elle peut s'occuper de son domaine maritime, le deuxième du monde, et y ancrer la conversion de son modèle de production en vigueur à terre. Elle ne doit pas l'abandonner aux appétits prédateurs et irresponsables des compagnies privées pour qui la mer est déjà une poubelle. Il y faudra beaucoup de moyens.

    Or l'arbitrage entre investissement et dividendes s'opère spontanément au profit des seconds. Ils imposent le règne du temps court et de l'intérêt particulier sur les besoins du temps long, celui de l'intérêt général ! Comment protéger les droits du temps long que la planification écologique exige ? Comment mettre au défi tous nos ingénieurs pour qu'ils trouvent le moyen de respecter la « règle verte » qui impose de ne pas prendre à la planète davantage que son pouvoir de récupération ?

    MUTATION EN GRAPPE

    Encore une fois, c'est l'inscription dans la Constitution qui fixera cet impératif comme une règle commune opposable aux aléas des majorités et des circonstances au nom de l'intérêt général humain. C'est elle qui donnera leur place essentielle aux lanceurs d'alerte et aux délégués environnementaux dont une république moderne a besoin à l'ère de l'anthropocène. Il n'est de domaine où les avancées de la connaissance et les fruits de l'expérience ne commandent d'inscrire de nouvelles dispositions dans les objectifs des institutions politiques. Et cette inscription provoquera une mutation en grappe des normes en vigueur dans toute l'organisation sociale.

    Par exemple, la France doit interdire la brevetabilité du vivant. Et assurer l'égalité d'accès au Net. Elle devrait garantir l'absolue et définitive souveraineté sur soi en constitutionnalisant le droit à l'avortement et celui d'être aidé pour accomplir sa propre fin quand on en a décidé. La souveraineté qui se noue ainsi au corps est le point de départ de celle qui se cherche dans l'ordre politique. C'est le rôle du peuple. Quel rôle ? Celui qui est au point de départ de toutes les communautés humaines de l'histoire : assurer sa souveraineté sur lui-même et sur l'espace qu'il occupe.

    Depuis 1789, nous définissons la citoyenneté comme la participation de chacun d'entre nous à l'exercice de cette souveraineté, sous l'empire de la Vertu. C'est-à-dire dans l'objectif de l'intérêt général. A présent tout cela est effacé. L'intérêt particulier de la finance et la main invisible du marché sont réputés produire le bien commun comme le foie sécrète la bile. La règle de la concurrence libre et non faussée est décrétée spontanément bienfaisante.

    UNE NOUVELLE DÉMOCRATIE EST NÉCESSAIRE

    Mise au service du libre-échange, elle serait indépassable. Le peuple est invité à s'en remettre aux experts sur la façon la mieux adaptée de généraliser ces principes. La Ve République est le système qui organise ce détournement du pouvoir. Pour y parvenir, elle a été réformée vingt-quatre fois depuis sa création. Depuis, une construction gothique dilue la souveraineté du peuple dans les sables de la monarchie présidentielle. Le reste est refoulé par l'opaque mécanique des institutions européennes. Lesquelles protègent avec soin le saint des saints, c'est-à-dire le pouvoir financier confié à la Banque centrale européenne. Elle seule est souveraine en dernier ressort.

    Une nouvelle démocratie est donc nécessaire. Exemple : comment garantir le droit du peuple à exercer sa souveraineté, même entre deux élections ? Le référendum révocatoire en cours de mandat le permet. Si un nombre prédéfini de citoyens le demande, un référendum est organisé pour savoir si un élu peut garder son mandat ou être déchu. Cette procédure s'appliquerait à tous. Donc aussi au président de la République. Si, selon les sondages (IFOP, réalisé du 8 au 9 septembre), 62 % des Français souhaitent qu'il s'en aille plus tôt que prévu, il faut que cela soit possible sans barricades.

    Sinon ? Du banquier central européen au monarque-président, le système de commandement est d'une implacable rigidité. Il implosera. Non pour des raisons idéologiques. Juste parce qu'il est inapte à régler les problèmes du grand nombre. Inapte du fait de ses principes et du personnel qu'il doit recruter pour les assumer. Avec une assemblée constituante, le peuple écrira une autre histoire : celle de la VIe République.

    Voilà pourquoi j'appelle à signer pour la VIe République sur www.m6r.fr

     
    • Jean-Luc Mélenchon            
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  • Sur Telerama.fr

    Le 21/05/2014 

    Propos recueillis par Michel Abescat

    François Hollande et Angela Merkel à l'Elysée... François Hollande et Angela Merkel à l'Elysée le 18 décembre 2012. - Photo: WITT/SIPA

    A quelques jours de l'élection de son parlement, l'Europe ne fait guère recette. Les abstentionnistes s'annoncent majoritaires, comme si les électeurs ne croyaient guère que leur vote puisse changer quoi que ce soit. La Malfaçon, le dernier livre de Frédéric Lordon, économiste et philosophe, éclaire de manière crue cette situation. Pour lui, la crise européenne n'est pas seulement économique. Elle est d'abord politique, car l'Europe se construit dans le déni des souverainetés populaires puisque les traités « verrouillent » toute discussion sur l'essentiel des décisions économiques. Il s'en explique dans cet entretien iconoclaste : démocratie, relations avec l'Allemagne, rôle des nations, « évidence trompeuse » de l'Europe, ses propos sont au cœur du débat.

    A vos yeux, la « malfaçon » européenne, sa tare congénitale, est d'abord d'ordre politique : les traités signés par les Etats européens les privent massivement de l'exercice de leur souveraineté...
    On aura une idée assez exacte de l’ampleur de la malfaçon européenne lorsqu’on aura dit que le plus fondamental n’est même pas dans l’absolu désastre présent. Un désastre tel pourtant qu’il appellerait, à propos de la Grèce ou du Portugal notamment, à forger un concept de « persécution économique ». La tare est principielle, et tient en effet à une opération de soustraction de la souveraineté démocratique dont il importe de prendre l’exacte mesure. L’anomalie, pour ne pas dire la monstruosité, politique européenne tient au fait d’avoir « constitutionnalisé » des contenus substantiels de politique publique, c’est-à-dire d’avoir inscrit dans les traités, textes les plus lointains et les moins révisables, des options particulières, notamment de politique économique, dès lors retirées à la délibération démocratique ordinaire, et figées ad aeternam : du statut de la Banque centrale européenne (BCE), de la nature de ses missions, de la possibilité qu’elle finance ou non directement les Etats, du niveau des déficits et des dettes, nous ne pouvons plus discuter car toutes ces choses ont été déclarées définitivement réglées. Or le propre de la démocratie, c’est qu’il n’y a jamais rien de définitif, et que tout peut toujours être de nouveau remis en discussion.

    Parmi toutes ces règles irréversiblement gravées dans le marbre des traités, il en est une, spécialement scélérate, qui a pour propriété de surdéterminer la privation de souveraineté : c’est celle qui organise la libre circulation, interne et externe, des capitaux. C’est par là en effet, et une fois que toute possibilité de financement monétaire des déficits est fermée par les autres règles des traités, que les Etats se trouvent condamnés au passage par les marchés, et par conséquent soumis à leur tutelle disciplinaire permanente. « N’ayez donc plus de déficit pour cesser d’en dépendre », réplique la doxa libérale. Et nous voilà partis pour tous les programmes d’austérité, alors même que c’est la récession, consécutive, je le rappelle, à la crise financière privée, qui a creusé les déficits à ce degré. Et exigerait d’ailleurs qu’on les y maintienne au nom d’une politique contracyclique rationnelle.

    Le 2 janvier 2002, Laurent Fabius vient observer le passage

    Le 2 janvier 2002, Laurent Fabius vient observer le passage à l'euro sur le terrain dans un supermarché Leclerc. - Photo: MAXPPP

     

    C’est donc l’interaction de la tutelle organisée des marchés financiers et de règles à la fois folles dans leurs contenus et illégitimes dans leur forme, qui est au principe d’une destruction volontaire de souveraineté probablement sans précédent dans l’histoire politique moderne.

    “L'Europe est
    constitutionnellement
    néolibérale.”

    Même si une majorité de gauche gouvernait l'Europe demain ?
    Tout ce que je viens de dire a été énoncé sans la moindre référence aux orientations partisanes des différents gouvernements des Etats-membres, et vaut en toute généralité. Cet ensemble de règles est totalement découplé des alternances politiques nationales et, si vous me passez un commentaire à la Fernand Raynaud, c’est étudié pour. Il s’agissait précisément de sanctuariser des principes substantiels de politique économique, et de les placer aussi loin que possible, dans d’intouchables traités, hors de portée du peuple bête et méchant.

    C’est pourquoi l’Europe est constitutionnellement néolibérale. Les orientations des politiques économiques sont enfermées dans une conduite automatique écrite dans les traités, inamovible. Les gouvernements n’ont plus de choix que sur les catégories de dépenses publiques à sacrifier, splendide oripeau de souveraineté. Laisser entendre, comme Vincent Peillon l’a encore fait récemment, que l’enjeu des élections européennes est de « passer d’une Europe de droite à une Europe de gauche » est donc une tromperie patentée dont on ne sait plus trop, à ce stade, ce qu’elle doit au cynisme pur ou au mensonge à soi-même.

    “L'Allemagne se raconte
    des histoires
    à propos de son histoire.”

    Dans votre livre, vous soulignez le rôle moteur de l'Allemagne dans la construction de l'Europe telle qu'elle est devenue...
    A chaque fois, il faut prendre le temps de s’expliquer car les hauts cris de « germanophobie » sont devenus l’asile du refus d’analyser. Il faut d'abord dire que les oligarchies nationales ont toutes donné leur consentement, et même activement œuvré à ce que la construction européenne ait la physionomie qu’on lui connaît. On ferait donc difficilement porter le chapeau à l’Allemagne seule. Et cependant, il importe tout autant de souligner la particularité de son rôle.

    Car dans cette affaire, l’Allemagne joue ses valeurs les plus hautes, telles qu’elle les a formées à l’épreuve d’une histoire dramatique. Comme l'Allemagne considère que l’hyperinflation de 1923 a été l’antichambre du nazisme, elle a fait de la question monétaire un enjeu vital, un objet de sanctuarisation qui doit être soustrait aux manipulations opportunistes des politiques – et l’on reconnaît ici l’opération formelle que reproduiront les traités européens. Il se trouve que l’Allemagne se raconte des histoires à propos de son histoire. Ce n'est pas l’inflation de 1923, mais bien plus sûrement la récession post-crise – déjà ! – qui, en 1932, a porté le taux de chômage à 25%… et les nazis au pouvoir un an plus tard.

    Des Allemands devant un tas de Deutsch Marks sans valeur pen

    Des Allemands devant un tas de Deutsch Marks sans valeur pendant l'hyperinflation en 1923. En 1913, le dollar valait 4,2 marks. En 1923, il en valait 4200 milliards. - Photo: MARY EVANS/SIPA

     

    Mais peu importe l’histoire que l’Allemagne se raconte : elle se la raconte. Et la monnaie y est depuis de l’ordre d’une valeur méta-politique, un objet de croyance et de consensus qui outrepasse totalement les enjeux partisans. Jamais l’Allemagne n’aurait accepté d’entrer dans la monnaie unique si celle-ci avait été organisée autrement que selon ses propres principes – ces mêmes principes qui, désormais inscrits dans les traités, déterminent irrévocablement la conduite des politiques nationales. Il ne faut pas douter que cet ultimatum – « à mes conditions monétaires ou rien » – sera systématiquement reconduit à chaque nouvelle étape d’une possible intégration européenne. De sorte que tout « progrès » en cette matière laissera rigoureusement inchangé le cœur du problème – et entière l’amputation de souveraineté.

    “L'intégration monétaire
    avec l'Allemagne est problématique
    pour la France.”

    Envisagez-vous alors l'idée de rompre avec l'Allemagne, de casser le fameux « couple franco-allemand » ?
    On peut simultanément reconnaître le rôle de premier plan du couple franco-allemand dans la restabilisation du continent européen à partir des années 60 et observer que ce couple est visiblement entré dans la zone des rendements décroissants. Et voici la recette du retournement d’une alliance vertueuse en attelage nuisible : croire qu’on peut poursuivre sans condition toutes les formes d’intégration. En l’occurrence, c’est l’intégration monétaire avec l’Allemagne qui est profondément problématique pour la France, et pour bien d’autres pays européens d’ailleurs, ceci pour des raisons qui tiennent à l’irréductible singularité allemande et à son refus absolu de transiger en cette matière. Maintenu envers et contre tout sous sa forme maximale, la forme de l’intégration en tout, le « couple franco-allemand » est en effet devenu un mythe néfaste qui obscurcit la pensée.

    Il faut en tout cas être tombé singulièrement bas dans la monomanie économiciste pour ne plus penser les rapports entre les nations qu’à l’aune de l’intégration financière, commerciale, ou monétaire. Il y a dans l’éditorialisme français des grands hallucinés qu’il va falloir réveiller. Ne pas se précipiter dans l’intégration monétaire, ou vouloir en sortir quand elle est avérée mortifère, serait ainsi le prélude au retour des camps ? Il faut leur réexpliquer que l’entente des peuples gagne moins à s’engager dans d’impossibles rapprochements qu’à cultiver tous ceux qui s’offrent, d’ailleurs bien trop négligés pour cause d’obsession économique : les échanges artistiques, scientifiques, la circulation des étudiants et des touristes, les programmes de traduction, les apprentissages croisés des histoires nationales, les manifestations culturelles communes, le développement des médias bi- ou plurinationaux, etc.

    “Le débat démocratique
    a été ramené
    au dernier degré de l'indigence.”

    Cette restauration de la souveraineté passe selon vous par la revalorisation de la nation. Cette position est délicate dans le débat actuel...
    Elle n’est délicate que parce que le débat public, autour de la question européenne, fait l’objet d’abaissements sans précédent et se trouve abandonné à des procédés honteux. Lorsque Jean-Marie Colombani explique que « la France du rejet de l’euro est la France du rejet de l’autre, la France de Vichy » (1), on sait très exactement où le débat démocratique a été ramené : au dernier degré de l’indigence.

    Jean-Claude Juncker, Gordon Brown, Angela Merkel, Nicolas Sa

    Jean-Claude Juncker, Gordon Brown, Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, Silvio Berlusconi et Jose Manuel Barroso à Paris en octobre 2008. La crise financière mondiale vient de se déclencher. - Photo: WITT/SIPA

     

    Au demeurant la « revalorisation de la nation » ne me paraît pas la meilleure façon de poser le problème, au moins en première instance. Pour moi la vraie question, le nord magnétique, c’est la souveraineté. Car la souveraineté, comme capacité d’une communauté à se rendre consciente et maîtresse de son propre destin, n’est pas autre chose que l’idée démocratique même. C’est une fois posé le principe de souveraineté dans toute sa généralité que commence vraiment la discussion. Et d’abord pour identifier les lieux de sa mise en œuvre effective. Comme on sait, la nation a été ce lieu privilégié de l’exercice de la souveraineté depuis plusieurs siècles. Est-il indépassable ? Evidemment non. Sauf pour ceux qui croient aux mythes identitaires de la francité, la nation française, et plus généralement les entités nationales présentes, n’ont nullement existé de toute éternité. Et comme elles sont un produit de l’histoire, les actuelles nations n’en sont certainement pas le terme.

    Rien n’interdit donc en principe d’en concevoir le dépassement. Encore faut-il au moins apercevoir que, fût-ce sous une forme originale, l’intégration politique européenne, si elle était réelle, ne ferait guère autre chose que redéployer le principe de l'Etat-nation à une échelle territoriale élargie – de sorte que ceux qui affectent de se présenter comme « post souverainistes » sont le plus souvent des souverainistes qui s’ignorent. Encore faut-il également analyser les conditions concrètes de possibilités de cet éventuel dépassement. L’absorption de la nation, fût-ce sur le mode de l’Etat fédéré, dans un ensemble européen intégré est-elle praticable ?

    Ma réponse pour l’heure est non, et pour les raisons que j’ai déjà indiquées. Car, incluant nécessairement les questions de politique économique, et notamment de politique monétaire, l’intégration politique européenne se ferait inévitablement sous les conditions de « sanctuarisation » allemandes, qui sont des conditions anti-démocratiques pour tous les autres pays. Pour l’heure, et pour encore un moment, l’Allemagne repoussera catégoriquement toute construction qui ramènerait dans la discussion démocratique ordinaire les choses qu’elle a veillé à en exclure, et qui l’exposerait au risque d’être mise en minorité sur des questions dont elle a fait des conditions irrévocables: l’indépendance de la Banque centrale européenne, l’exclusivité de sa mission anti-inflationniste, l’interdiction absolue du financement monétaire des déficits, l’obligation de l’équilibre structurel des finances publiques.

    “Lorsqu’on dit « Europe »,
    on ne sait pas ce qu’on dit.”

    Au bout du compte, de quelle Europe rêvez-vous ?
    Je finis par trouver cette question elle-même très questionnable. Et je me demande si l’« Europe », cette catégorie en fait des plus vagues, n’est pas devenue un fétiche encombrant, un obstacle à la pensée politique. C’est que l’« Europe » n’a pour l’heure d’existence déterminable que sous deux formes : soit comme la catastrophe institutionnelle générale enfermée dans les actuels traités, soit comme un projet de communauté politique intégrée… mais qui s'avère impraticable. Quel sens précis lui donner hors ces deux cas, dont l’un est désastreux et l’autre impossible ? Si, comme je le crois, ce que nous appelons usuellement l’« Europe » ne peut être en réalité davantage qu’un réseau de coopérations variées – ce qui est loin d’être négligeable ! –, et si elle ne peut accéder à une consistance politique supérieure, alors nous sommes ipso facto relevés de toutes les tentatives hasardeuses de définir l’Europe par référence à une circonscription territoriale ou à une forme d’identité qui nous emmènerait invariablement dans le marécage des considérations « civilisationnelles » – comme en témoignent indirectement, mais éloquemment, les embarras récurrents posés par une possible candidature de la Turquie, et la question plus générale des « frontières de l’Union ».

    Faute de tout autre sens précis à lui donner, le terme « Europe » est devenu un faux cela-va-de-soi, une évidence trompeuse, et pour finir une catégorie hautement problématique dont l’usage n’a été stabilisé que par l’habitude – de sorte que, littéralement parlant, lorsqu’on dit « Europe », on ne sait pas ce qu’on dit – à part bien sûr désigner le catastrophique système des traités. Quitte à mettre ce qu’il faut de provocation pour tordre dans l’autre sens le bâton de l’eurofétichisme, pour ne pas dire de l’euromysticisme, je serais donc assez tenté de dire que la question de l’Europe est inintéressante. Et que l’abandon de cette catégorie-boulet recèle quelques réels avantages. Car identifier qu’une question est inintéressante est au moins la première étape pour en formuler de meilleures. Il est par exemple une question à la fois plus générale, et pourtant plus précise, plus urgente surtout, que celle de l’« Europe », c’est celle qui demande comment les peuples pourraient améliorer, et même approfondir, indéfiniment les relations qu’ils nouent entre eux.

    Le graffeur allemand Case a peint une série de 16 Pin

    Le graffeur allemand Case a peint une série de 16 Pinocchios sur les barrières qui protègent le chantier du nouveau siège de la Banque centrale européenne à Francfort. 7/05/2014 - Photo: Michael Probst/AP/SIPA

     

    Or, sous ce rapport, rompre avec l’obsession « Europe », et avec les apories, les contradictions irréductibles de l’appartenance à ce « club » mal défini, libère notre regard dans d’autres directions pour envisager, avec une égale ambition, d’approfondir les relations par exemple avec l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, ou la Russie. Il nous redevient également loisible de penser les relations inter-nationales sous les formes les plus variées qui soient, éventuellement au cas par cas, et non sous la forme de l’encasernement et du régime unique obligatoire. Perspective qui a au moins le mérite de faire droit à cette prémisse fondamentale que tous les peuples ne conviennent pas entre eux sous tous les rapports.

    Par exemple : tous les pays ne peuvent pas convenir avec l’Allemagne sous le rapport monétaire. Et je demande : en quoi ceci est-il un drame ? Faire ainsi l’analyse objective des rapports de disconvenance nous libère d’en poursuivre la réalisation chimérique pour le court terme, sans nous interdire de penser le moyen de les faire changer dans le long terme, et tout en nous laissant l’entier loisir de cultiver tous les autres rapports de convenance car il ne manque jamais d’en exister.

    Mais des fanatiques s’escriment à nous mettre dans la tête que nous nous portons au seuil de la troisième guerre mondiale si nous n’acceptons pas de nous soumettre à tous les codicilles francfortois [le siège de la BCE est à Francfort] d’une monnaie avec l’Allemagne. Les mêmes en revanche se soucient comme d’une guigne de traités qui ont pour effet de brutaliser comme jamais les corps sociaux européens, quand ils ne les jettent pas les uns contre les autres dans des rapports de concurrence si violents qu’on se demande comment quelque solidarité concrète pourrait en émerger jamais. Et c’est avec un parfait contentement qu’au nom de l’Europe post-nationale, ils laissent faire tout ce qui nourrit les haines nationalistes, et qu’au nom de la paix, ils encouragent tout ce qui détruit la paix.

    A lire
    La Malfaçon. Monnaie européenne et souveraineté démocratique, de Frédéric Lordon. Ed. Les liens qui libèrent, 296 p., 20,50 €.

    (1) Jean-Marie Colombani, « La France du repli et du rejet », Direct Matin, 3 Février 2014.


     

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