• www.apcl.rassemblementcitoyen.fr

     SOLIDARITÉ- DÉMOCRATIE- ÉCOLOGIE
     
     
    Nous, citoyen-ne.s, militant-e.s associatifs, syndicalistes et politiques,
    souhaitons contribuer à lancer un rassemblement citoyen en région Aquitaine/
    Poitou-Charentes/Limousin à partir des Régionales de décembre 2015.
    A tous les niveaux de pouvoir, les décisions sont prises sans nous.
    Nous ne nous résignons pas à voir notre pays, comme tous les autres pays européens,
    s’enfoncer dans la catastrophe sans réagir.
    La politique d’austérité menée par le gouvernement est un désastre économique et
    social. Elle dégrade les conditions de vie et est incapable de répondre à l’impératif
    écologique. Elle se fait sans les citoyen-ne-s, contre les citoyen-e-s, sème du
    désespoir, du repli sur soi et fait le lit de l’extrême-droite.
    Il n’y a pourtant aucune fatalité à cela !
    Nous pouvons contribuer à construire une alternative clairement indépendante
    des politiques menées par le Parti Socialiste aux différents échelons de notre pays.

    Nous voulons tourner la page de la 5ème République qui concentre les pouvoirs
    entre les mains de quelques-uns, agissant sans contrôle et faisant le bonheur d’une
    minorité au détriment de l’intérêt général. Avec la réforme territoriale et la
    concentration des pouvoirs autour des métropoles, les citoyen-ne-s seront tenu-e-s
    encore plus à distance des lieux de décisions. La concurrence entre les territoires
    sera aggravée pour le bonheur des spéculateurs et les inégalités seront renforcées.
    Citoyen-ne-s, citoyens, nous devons reprendre notre souveraineté en main pour
    réinventer les solutions aux urgences sociales, économiques et écologiques !
    Des élections régionales auront lieu en décembre 2015. Prouvons qu’un chemin
    d’espoir et de victoire est possible comme viennent de le montrer Syriza en Grèce
    ou les listes convergences citoyennes soutenues par Podemos en Espagne. Cela
    implique de nous rassembler dès à présent autour d’objectifs communs : solidarité,
    écologie, démocratie.

    Salarié-e-s, précaires, artisans, paysans, collectifs citoyens, fédérons nos luttes et
    renforçons la nécessaire implication citoyenne dans la vie politique.
    Reprenons nos affaires en main en nous basant sur des expériences telle que celle
    portée par Limousin Terre de Gauche et son appel du 30 Mai dernier. Nous
    appelons à faire converger les appels et initiatives portant la même aspiration à une
    vie meilleure pour le plus grand nombre : les assemblées citoyennes locales ou
    départementales, collectifs citoyens pour la sauvegarde des services publics, pour la
    préservation de l’environnement, appel de la « Vague citoyenne »…
    Notre objectif commun est de mettre la démocratie et l’implication citoyenne au
    cœur de notre démarche.

    Nous organiserons des consultations populaires à chaque fois que nécessaire ; les
    discussions ne devant pas être réservées aux seuls partis politiques nous les
    mettrons en débat dans des assemblées citoyennes pour co-élaborer un code
    éthique des candidat-e-s et élu-e-s (prévoyant notamment le non cumul des
    mandats, la révocabilité…) ; le projet, le programme ; et co-construire la liste des
    candidats en articulation avec les partis politiques qui soutiendront la démarche.

    Le temps est en effet venu d’un large mouvement citoyen et populaire rassemblant
    également l’ensemble des forces politiques qui s’opposent à la politique du
    gouvernement (Front de Gauche, EELV, le NPA, Nouvelle Donne, les socialistes
    dissidents…) pour gagner et ouvrir la voie à une société plus juste, plus solidaire,
    plus écologiste plus démocratique.
    C’est aussi le meilleur moyen pour à la fois empêcher la droite et l’extrême droite de diriger notre région et de s’opposer à l’application de la politique du
    gouvernement.
    Ainsi, nous pourrons mener une autre politique dans notre région :

    •  engageons un ré-aménagement du territoire visant à lutter contre les inégalités, renforçons au contraire les coopérations, pour la mixité d’activités dans chaque bassin de vie (emploi, logement, services publics), résistant aux
      suppressions d’emplois touchant des entreprises privées comme publiques.
    • soutenons la relocalisation des productions, les circuits courts et la coopération pour permettre un emploi de qualité et sauvegarder l’écosystème, aucune aide aux entreprises ne doit se faire sans critères sociaux et écologiques stricts,
    •  soutenons les projets de reprise en main par les salarié-e-s de leur entreprise.
    •  planifions la transition écologique pour une activité humaine respectueuse de l’environnement par la défense des terres agricoles et le soutien à une
      agriculture paysanne de proximité et en empêchant les fermes usines ; par le
      développement des transports publics partout et pour toutes et tous,
      l’extension de la gratuité, pour des alternatives au « tout voiture » et au «
      tout camion » car il n’y a aucune fatalité à la pollution ; contre les projets
      d’extraction d’huile de schiste, par une lutte contre l’envahissement et
      l’omniprésence publicitaire ; par l’engagement résolu dans une démarche
      régionale zéro déchet. Changeons le système, pas le climat !
    •  développons les services publics et les biens communs, et mobilisons-nous contre les coupes budgétaires, le Grand Marché Transatlantique et la privatisation des équipements publics; luttons contre les politiques de récession en matière de santé et de protection sociale imposées notamment par l’ARS, empêchons les fermetures de CPAM, contribuons à promouvoir et développer le logement social sur tout le territoire régional et l’hébergement d’urgence,
    •  développons les régies publiques de l’eau
    • défendons une politique culturelle émancipatrice pour toutes et tous.
    •  défendons l’école publique en donnant les moyens financiers nécessaires aux lycées publics et en supprimant définitivement toute aide facultative aux lycées privés dans le respect et l’application de la laïcité.
    •  renforçons le mouvement associatif et syndical, en garantissant son autonomie par des subventions pérennes, et des locaux dans les quartiers et les zones d’activité, au service de l’implication citoyenne et de l’éducation populaire.
    •  engageons une politique régionale en faveur de l’égalité des droits et de lutte contre toutes les discriminations,
    •  opposons-nous aux Grands Projets Inutiles et Imposés, comme la LGV Poitiers/ Limoges, et Bordeaux/Toulouse ou le bétonnage des terres agricoles près d’Agen.
    • refusons la politique d’austérité imposée par le gouvernement : la Région doit exiger les sommes dues dans le cadre du transfert de compétences. Elle doit davantage recourir à l’emprunt au service d’investissements utiles socialement et écologiquement responsables pour être un véritable bouclier social qui prépare pour toutes et tous un avenir meilleur.

    Citoyennes, citoyens, syndicalistes, acteurs associatifs, militants ou non des forces
    politiques qui veulent participer à la construction de cette démarche :
    Signons et faisons signer cet appel sur www.apcl.rassemblementcitoyen.fr

    Retrouvons-nous dans des assemblées citoyennes sur nos territoires, dans nos
    entreprises et dans notre département dès maintenant pour engager ensemble les échanges et travailler sur notre programme pour les élections régionales.
    Impulsons des assemblées représentatives, et participatives départementales et
    régionales pour construire ensemble notre démarche à l’échelle de la Région
    Aquitaine Poitou-Charentes Limousin.

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  • Par Acrimed

    par Frédéric Lemaire, Julien Salingue, le 1er juillet 2015

    Dans la soirée du 26 juin, Alexis Tsipras annonçait son intention d’organiser un référendum sur le plan d’austérité proposé par les créanciers de la Grèce en échange de leur soutien financier. Consulter le peuple grec sur les réformes « indispensables » qui lui sont imposées ? « Irresponsable » répond en chœur la fine fleur de l’éditocratie française, dont les tweets rageurs préfiguraient les points de vue… tout en nuances.

    En 2011 déjà, l’annonce d’un référendum, finalement abandonné, sur le « plan de sauvetage » européen avait provoqué une levée de boucliers médiatique. De cette fronde contre le « dangereux coup de poker grec », Le Monde prenait déjà la tête : « Ce n’est pas ainsi que l’Europe doit fonctionner » assurait le quotidien, qui anticipait non sans cynisme un résultat défavorable : « Imagine-t-on d’ailleurs un peuple acceptant, unanime, une purge aussi violente que celle proposée ? [1] Ce lundi, deux jours après l’annonce d’Alexis Tsipras, l’éditocratie française a remis le couvert.

     

    Le Monde sonne la charge

    Ainsi, selon l’éditorial du Monde, la tenue d’un référendum serait un « piètre chantage », voire un aveu de « faiblesse politique » de la part d’Alexis Tsipras qui refuserait « d’endosser l’échec des négociations ». Un échec dont les « Européens », c’est-à-dire les dirigeants européens, ne seraient en aucun cas responsables. Stricts mais bienveillants, ceux-ci seraient, à l’instar d’Angela Merkel, conscients de leur « responsabilité historique ». Et même prêts à se montrer souples si le mauvais élève grec acceptait de « moderniser l’État » et « collecter l’impôt ». Peu importe si l’intransigeance des créanciers portait davantage sur les mesures d’austérité, telle que la diminution des pensions. C’est Tsipras qui doit « faire preuve, enfin, de responsabilité »… c’est-à-dire à suivre les instructions des éditorialistes du Monde et « changer de posture ». De toute évidence, l’éditorialiste anonyme du Monde, à l’image de nombre de ses confrères, a choisi d’ignorer le point de vue grec sur le déroulé des événements, et notamment le récit du ministre de l’Économie Yanis Varoufakis, pourtant publié sur divers sites.

    Une nouveauté : pour les lecteurs qui souhaiteraient s’épargner la lecture de l’éditorial du Monde, une version sous forme de dessin pour les enfants est disponible en « Une » :

    Plusieurs dessinateurs du quotidien ont même été mis à contribution, comme en témoigne ce chef d’œuvre de Xavier Gorce, également publié le 30 juin :

    Le même Xavier Gorce qui est revenu à la charge dans l’édition du 1er juillet :

    Comme nous l’avions déjà noté, il suffit souvent, pour donner la mesure du caractère résolument caricatural des partis pris de l’éditorial du Monde, de lire... Le Monde. Ainsi, en cherchant un peu dans le dossier consacré à la Grèce, on trouve les articles de la correspondante Adea Guillot et de l’envoyée spéciale Annick Cojean, qui détonnent en donnant la parole aux Grecs [2]... Même si le choix des citations mises en exergue par un secrétariat de rédaction facétieux s’avère, lui, plus « orienté ». Qu’on en juge : « Ce référendum est une mascarade, un coup d’État constitutionnel » (Antonis Samaras, chef de l’opposition) ; « On frôle la limite de ce que prévoit la Constitution mais sans la violer ouvertement » (un constitutionnaliste) ; « J’ai peur du précipice et du retour à la drachme » (un jeune Grec) ; « Je déteste l’extrémisme, or ce vote nous pousse dans nos derniers retranchements » (un vendeur).

     

    Libération à l’unisson ?

    Dans l’éditorial de Libération (29 juin), Marc Semo reconnaît quant à lui qu’il est « légitime, sur le principe » d’en appeler au peuple. Mais sous conditions. Lorsque l’ancien Premier ministre Papandreou propose un référendum pour s’assurer « que les sacrifices imposés par le maintien dans la monnaie unique [soient] pleinement assumés par ses concitoyens », c’est un gage apprécié de « culture sociale-démocrate scandinave ». Lorsque Tsipras propose un référendum sur les propositions des créanciers de la Grèce et appelle à les rejeter, ce sont des « propos irresponsables ». Comprenne qui pourra.

    En fait, Marc Semo reproche à Tsipras de n’avoir pas tenu un référendum sur la sortie de l’euro, mais sur le plan de rigueur imposé par les créanciers. Et de dissimuler aux Grecs que le « non » aux propositions des créanciers serait synonyme d’un « oui » à une sortie de l’euro, et donc de conséquences catastrophiques. Des reproches que partagent… Antonis Samaras, leader de l’opposition grecque. Pourtant une autre issue est possible : les créanciers pourraient tenir compte du rejet de leurs propositions par la population grecque, et mettre de l’eau dans leur vin… Mais cela ne semble pas effleurer l’esprit de Marc Semo pour qui les gouvernements européens, « tout aussi légitimes » que le gouvernement grec, n’ont fait que « rappeler les règles de la zone euro » et « essaient d’éviter le pire ». Qu’ils en soient remerciés.

    D’après notre éditorialiste, une majorité de Grecs seraient d’ailleurs favorables au plan européen. Le chef du service étranger de Libération n’a visiblement pas pris soin de consulter ses correspondants sur place à Athènes : aucun sondage n’a été publié sur le référendum, d’après Pavlos Kapanais qui travaille entre autres pour... Libération.

    Notons tout de même que le reportage sur place de Maria Malagardis fait, en page opposée, un contrepoint factuel à la charge de l’éditorialiste de Libération.

     

    Jean-Marie Colombani (et quelques autres) au meilleur de leur forme

    Commentaires à l’emporte-pièce depuis le fauteuil confortable d’une rédaction parisienne, informations bancales et autres partis pris droitiers sont le lot commun des éditocrates. Mais en la matière, les éditorialistes du Monde et de Libération ne font pas le poids face à Jean-Marie Colombani. Dans une tribune publiée dans Slate, il dénonce « l’imposture Tsipras » ainsi que Syriza, un parti « anti-européen », « national-populiste », qui aurait « conduit le pays dans l’impasse ». Il est vrai que la situation du pays était excellente avant les élections de janvier 2015.

    Le mot « référendum » évoque-t-il de mauvais souvenir à Jean-Marie Colombani ? Furieux, il dénonce la consultation des Grecs qui serait en fait… « une prise en otage » des Grecs. Les dirigeants européens, quant à eux, « ne peuvent pas abandonner les Grecs à leur triste gouvernement ». Après Arnaud Leparmentier, c’est au tour de Jean-Marie Colombani de signer un nouvel appel à renverser le gouvernement grec. Les Grecs ont voté et soutiennent Syriza ; mais, c’est bien connu, les éditocrates savent mieux que le peuple ce qui est bon pour lui. Et Colombani de le prouver dans une conclusion pleine de lucidité : « Les Grecs méritent mieux que Tsipras et ses alliés. Comme ils n’avaient pas hier mérité les colonels. »

    Un article publié sur le site de Marianne revient sur les réactions de la presse à l’annonce du référendum. On retrouve une apologie – prévisible – des « réformes » dans Le Figaro :

    Les masques sont donc tombés en Grèce, mais aussi en Irlande, au Portugal, en Espagne. Tous, à l’exception d’Athènes ont choisi de se réformer au pas de charge pour tenter de conserver la monnaie européenne. Les efforts et le courage ont payé. La seule question est désormais de savoir si la Grèce peut gagner sa place dans la zone euro.

    Le Figaro qui, à la « une » de son édition du 30 juin, publie un éditorial titré « Faux semblants », où l’on peut lire que « le référendum que propose aux Grecs Alexis Tsipras a tout d’un leurre », que « l’appel au peuple de Tsipras n’est qu’un "coup" politique camouflé sous le masque de la démocratie directe » et dans lequel est évoqué « le vide abyssal du projet politique de Tsipras ». Tout en finesse.

    Pas en reste, le JDD titre quant à lui son article d’analyse « Alexis Tsipras, maître chanteur » [3]. Tout en nuances, à l’instar des jugements portés sur la décision d’en appeler au vote du peuple grec :

    Alexis Tsipras a choisi de suivre un chemin dangereux pour son pays et de mettre le couteau sous la gorge des leaders européens.

    Il faut dire que la « une » du journal annonçait la couleur…

    Dans Les Échos, c’est Dominique Seux qui se fait remarquer en s’insurgeant contre « le coup de poker de trop d’Alexis Tsipras », évoquant un « chantage grossier » de la part des autorités grecques et dénonçant leur « comportement irresponsable et provocateur ». Et de conclure : « Athènes doit revenir à la table des négociations ». Sinon ?

    Dans L’Opinion, Luc de Barochez dénonce, avec force accents colombaniens, « l’incompétence, de l’irresponsabilité voire de la malhonnêteté de Syriza ». Selon lui, « le référendum convoqué par Alexis Tsipras dévoie la démocratie ». Conclusion : « Face à des maîtres chanteurs, seule la fermeté paye ». Notons que là encore, la « une » du quotidien se distingue par son sens de la mesure :

     

    ***


    Nous aurions pu poursuivre ce petit tour des réactions de la presse à l’annonce du référendum grec par la « une » du Monde du 1er juillet, qui oppose « Tsipras » et « les Européens » :

    … ou encore avec le double éditorial Joffrin – Quatremer dans l’édition de Libération du mardi 30 juin (sur lequel nous aurons l’occasion de revenir).

    … voire avec Les Échos, où l’on a pu lire des tribunes dans lesquelles Tsipras est qualifié de « braqueur de banque ». Au risque de lasser le lecteur…

    Mais cette « revue de presse » n’est pas seulement une accumulation de prises de position fort éloignées du devoir d’informer, voire même outrancières : elle dessine une cohérence dans les partis pris de l’éditocratie française, qui de nouveau se range du côté des institutions européennes (rebaptisées une fois de plus « l’Europe » ou « les Européens ») et joue le rôle de chien de garde de l’eurocratie contre les empêcheurs d’austériser en rond. Voilà qui n’est pas sans rappeler le traitement médiatique d’un certain référendum organisé en 2005, duquel aucune leçon ne semble avoir été tirée.

    Dès lors, doit-on conclure que « la presse » est contre la Grèce ? Ce serait tentant, mais inexact : tout d’abord ce serait oublier la presse alternative, et toute une partie de la presse qui n’a pas participé à la curée contre le gouvernement grec, voire qui l’a dénoncée. Et même au sein de la presse dominante, des voix discordantes existent : il n’est pas rare qu’au sein même de « grands quotidiens », les reportages des envoyés spéciaux, ou des correspondants sur le terrain, contredisent les arguties libérales déversées à flot constant par nos éditocrates. De salutaires résistances à l’unanimisme éditorial eurobéat, sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir... mais qui ne sont malheureusement pas un contrepoids suffisant au bruit médiatique qui nous est imposé depuis quelques jours par ceux qui pensent que lorsque le peuple n’est pas d’accord avec une politique, il faut changer de peuple.

    Frédéric Lemaire et Julien Salingue


    Post-scriptum (1er juillet, 12h30) : Interpellé sur Twitter à propos de l’un des dessins que nous avons reproduits ci-dessus, Xavier Gorce, dessinateur au Monde, s’est fendu d’une réponse... qui se passe de commentaires :

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  • Le point de vue de Paul Krugman, "prix Nobel d'économie", sur "la monstrueuse démence" des créanciers de la Grèce.

    Sur Le grand soir

    Moment de Vérité pour l’Europe (New York Times)

    Paul KRUGMAN

    Jusqu’à ce jour, les faits ont démenti toutes les alertes à l’éclatement imminent de l’euro. Quels que furent leurs discours de campagne électorale, les gouvernements capitulent devant les exigences de la troïka ; tandis que l’intervention de la B.C.E. permet de calmer les marchés.

    Ce processus a permis à la monnaie de résister, mais il a également perpétué une austérité profondément destructrice – il ne s’agissait pas de laisser les quelques trimestres de faible croissance de certains débiteurs dissimuler le coût astronomique de cinq années de chômage de masse.

    En matière politique, les grands perdants de ce processus sont les partis de centre-gauche, dont le consentement à une austérité implacable – avec pour conséquence l’abandon de tout ce qu’ils étaient censés représenter – leur cause un préjudice bien plus grand qu’à ceux de centre-droit, lorsqu’ils appliquent les mêmes politiques.

    Il me semble que la troïka – à mon avis, il est temps d’arrêter de faire semblant de croire à un quelconque changement, il convient donc de revenir à la vieille dénomination – attendait, ou tout du moins espérait que le Grèce rejoue la même histoire. Soit Tsipras adoptait le comportement habituel, en abandonnant une grande partie de sa coalition avant, selon toute probabilité, de se voir contraint à une alliance avec le centre-droit, soit le gouvernement Syriza tombait. Ce qui pourrait encore se produire.

    Cependant, à l’heure qu’il est en tout cas, Tsipras semble n’avoir aucune envie de se faire hara-kiri. Tout au contraire, au moment où il se trouve confronté à un ultimatum de la troïka, il prévoit d’organiser un référendum sur l’acceptation de ses termes. Il occasionne ainsi des manifestations d’affliction, aussi nombreuses que les déclarations sur son irresponsabilité, alors qu’en réalité, il fait ce qu’il faut, pour deux raisons.

    D’abord, en cas de victoire au référendum, le gouvernement grec aura les pleins pouvoirs, fort d’une légitimité démocratique qui, je pense, a toujours son importance en Europe. (Si tel n’est plus le cas, il faut que, cela aussi, nous le sachions).

    Ensuite, Syriza s’est trouvé, jusqu’à présent, dans une position inconfortable, par rapport à un corps électoral que des exigences austéritaires toujours plus grandes ont poussé à bout mais qui, en même temps, est peu enclin à sortir de l’euro. Envisager la réconciliation de ces aspirations a toujours constitué une difficulté, qui se trouve accrue aujourd’hui. En réalité, le référendum demandera aux électeurs de choisir leur priorité, et de donner à Tsipras mandat pour faire ce qu’il faut, si la troïka va jusqu’au bout.

    Si vous voulez mon avis, le jusqu’auboutisme des gouvernements et institutions des créanciers, relève d’une forme monstrueuse de démence. C’est pourtant bien ainsi qu’ils ont agi, aussi ne puis-je reprocher à Tsipras de s’en être remis aux électeurs, plutôt que d’accepter l’affrontement.

    Origine de l’article : http://krugman.blogs.nytimes.com/2015/06/27/europes-moment-of-truth/?_r=0

    Traduit par Hervé Le Gall

    27 juin 2015

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  • Sur Médiapart

    De notre envoyé spécial.- En annonçant dans la nuit de vendredi à samedi la tenue d’un référendum, Tsipras a fait voler en éclats le cadre étroitement juridique et comptable de la négociation dans lequel voulaient l’enfermer les dirigeants de la zone euro. En soumettant au peuple grec les mesures souhaitées par la troïka (Commission européenne, BCE, FMI), il a réintroduit le peuple souverain dans la négociation.

    Alexis Tsipras vendredi soir lors de l'annonce du référendum.Alexis Tsipras vendredi soir lors de l'annonce du référendum. © Capture d'écran / Reuters.

     

    En un discours de quelques minutes, Alexis Tsipra a redonné vie et sens à l'idée européenne, engluée dans le storytelling des institutions et des banquiers : « La Grèce, qui a vu naître la démocratie, doit envoyer un message de démocratie retentissant. » Il ne s’agit donc pas d’un coup politicien mais d’une clarification qui rétablit la question de la démocratie au cœur du débat européen. Il suffisait pour s’en rendre compte d’être présent lundi soir parmi les milliers de manifestants de la place Syntagma, à Athènes, devant le Parlement grec, écouter leurs chants et leurs slogans, voir des centaines de pancartes affichant le désormais fameux OXI (NON) qui ressemble tellement – dans son graphisme même – à un OUI ; un oui à autre chose. En appelant à ce référendum, Alexis Tsipras a mis un terme à des négociations qui n’avaient d’autre but que de l’amener à capituler. Mais il a fait plus : il a prononcé ce qui pour les dirigeants européens et les créanciers constituent un véritable casus belli : une déclaration d’indépendance !

     

    En appelant à voter oui au référendum convoqué le 5 juillet par Alexis Tsipras, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, n’a sans doute pas mesuré la portée de son geste : non seulement il a commis une ingérence dans les affaires intérieures d’un pays membre, mais il a légitimé a posteriori la tenue d’un référendum considéré comme une provocation par les dirigeants de l’Union européenne. Mais Juncker et la Commission n’en sont plus à une contradiction près, et lorsque la guerre est déclarée, on ne s’embarrasse pas de ce genre d’arguties – car désormais, plus de doute possible, la guerre est déclarée. Une « guerre » d’un genre nouveau qui n’a pas pour seul objet la dette grecque mais également le crédit politique de Syriza.

    Une guerre d’un genre nouveau qui a pour théâtre d’opérations non plus les champs de bataille traditionnels mais les marchés financiers, et pour armes non plus des avions et des tanks mais les algorithmes informatiques et les avis des agences de notations. C’est une guerre de mouvement qui ne se déplace plus à la vitesse des troupes au sol mais au rythme des microsecondes des opérateurs virtuels de marché. Rythmes et algorithmes. Crédit et spéculation. Plus besoin d’assiéger les villes, on spécule à la baisse sur la dette souveraine. On compose les programmes et les gouvernements. On impose les réformes et les remaniements. Une classe politique aux ordres, peuplée de figurants. Il ne s’agit pas de négocier comme dans la diplomatie traditionnelle, il suffit de spéculer sur la chute d’un gouvernement. Et s’il lui arrive de résister, on déclenche un “bank run”, une panique financière, comme on l’a vu la semaine dernière : un véritable « coup d’État financier ». L'agence Standard and Poor's ne s’y est pas trompée qui a qualifié le référendum de mauvais signal pour la « stabilité économique» du pays et a abaissé la note de la Grèce à CCC–, un signal de défiance à l’intention des marchés. Signe éclatant de la subordination des politiques européennes aux marchés financiers !

    Mais c’est aussi une guerre médiatique qui oppose des récits rivaux et mobilise images et mots à des fins de persuasion ou d’envoûtement. C’est une guerre dont les batailles successives sont constituées de performances qui réussissent ou échouent. La fierté nationale est convoquée, bientôt battue en brèche par la peur du lendemain. La menace ou l’insulte sont mobilisées. Qui perd en position de négociation peut gagner en crédit de courage. Et vice versa. « Tsipras le tricheur », affirmait Der Spiegel après l’annonce du référendum grec. « La Grèce rackette l'Europe », tonnait Bild. Le correspondant de Libération à Bruxelles annonçait « la démission du président grec et l’annulation du référendum » ! Le Monde légitimait à l’avance un coup d’État contre le gouvernement Syriza. « Lui ou un autre », peu importe ! « Si Tsipras veut jouer au poker. Pourquoi pas nous ? » Mais qui « nous » ? Nous, les patriotes de la finance ? Nous, les légionnaires de l’ordolibéralisme ? Nous, les héritiers de l’oligarchie européenne ? La vérité sort de la bouche des enfants ! 

    On a assez répété après Rudyard Kipling que « la première victime d’une guerre, c’est la vérité », et la guerre financière ne fait pas exception. Mais la vérité n’est pas seulement une victime collatérale, elle est aussi l’ennemi déclaré. Le monde virtuel de la finance a besoin de créer sa propre réalité. Comment spéculer sans les médias, sans la caisse de résonance des réseaux sociaux, sans le concours des petites mains qui rédigent les éditoriaux ?

    C’est la première guerre spéculative, financière et numérique qui utilise les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour discréditer, intoxiquer, créer des épidémies de panique, déstabiliser un pouvoir souverain. Il ne s’agit pas de négocier comme dans la diplomatie traditionnelle mais de spéculer sur la chute d’un gouvernement.

    Michel Feher a, à plusieurs reprises, sur son blog (lire ici et ), fort bien analysé le changement de paradigme politique qu’impose le néolibéralisme à ses opposants. Pour le combattre, il ne s’agit plus de négocier le partage des revenus du capital et du travail sur la base d’un rapport de force entre capitalistes et salariés mais de « prendre pied sur les marchés des capitaux en sorte d’y modifier les conditions d’accréditation – et en l’occurrence, pour obtenir que le bien-être d’un peuple y soit davantage valorisé que sa disposition à se saigner pour renflouer le système bancaire ». Et Michel Feher d’ajouter une considération stratégique : cela « nécessite l’apparition de politiciens capables de spéculer pour leur compte ». Selon lui, « Yanis Varoufakis s’est imposé comme le premier d’entre eux... Le ministre des finances du nouveau gouvernement grec ne négocie pas : il spécule et, mieux encore, contraint ses interlocuteurs à spéculer en retour sur ses intentions. Au lieu de marchander la restructuration de la dette grecque, il parie concurremment sur la bonne volonté de chacun et sur le risque qu’il y aurait à y déroger ».

    A-t-il pour autant réussi à modifier « les conditions d’accréditation », c’est-à-dire à imposer que « le bien-être d’un peuple [...] soit davantage valorisé que sa disposition à se saigner pour renflouer le système bancaire » ? Selon Michel Feher, rien n’est moins sûr. À cela plusieurs raisons, dont la principale est liée à l’abondance des propositions avancées dans la négociation. Quand le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, s’en tenait à la tenaille « Canossa ou Grexit », les Grecs ont multiplié les propositions au risque de perdre en lisibilité. Ils ont par exemple, rappelle Michel Feher, proposé successivement le remplacement des obligations existantes par des obligations indexées sur la croissance ou par des obligations perpétuelles ; que l'Europe aide la Grèce à mieux collecter l'impôt (investissements publics à cette fin) ; que l'Europe aide la Grèce à se réformer (budget militaire enflé, immunité de l'Église et des armateurs...).

    Tsipras et Varoufakis ont défendu la souveraineté des Grecs, le respect du mandat reçu de leurs électeurs tout en ne cessant de répéter que leur engagement européen les amenait à transiger avec leur programme afin de trouver un terrain d'entente avec les créanciers. « Tout est bon, malin et défendable dans cette panoplie », conclut Feher, mais trop de richesses nuit parfois – pas le temps de taper suffisamment sur tous les clous pour se faire entendre – et par conséquent, on risque de donner l'impression de la dispersion, voire de se prêter à l'accusation d'amateurisme.

    Ce n’est pas la première fois que les dirigeants de la zone euro bafouent la souveraineté des États qui la composent, mais jusque-là, lorsque des gouvernements furent renversés, comme celui de Papandréou ou celui de Berlusconi, ce fut au nez et à la barbe de l’opinion européenne, très discrètement, dans les couloirs du G20 à Cannes en 2013. Jamais une telle offensive n’avait été menée pendant plusieurs mois contre un État membre de l’Union européenne. Jamais la résistance des dirigeants désavoués par Bruxelles n’avait été aussi opiniâtre, dépassant le seul enjeu de la lutte contre l’austérité pour acquérir une valeur exemplaire. C’est de la démocratie en Europe qu’il est question dans le référendum grec, comme l’a observé Wolfgang Munchau dans le Financial Times, qui a accusé les créanciers de la Grèce de vouloir détruire la démocratie après avoir pillé son économie.

    Quels arguments opposer à la propagande hyper réelle des pouvoirs financiers, qui désinforme et désoriente, qui affole et envoûte ? Stricto sensu : rien ! C’est une guerre aux moyens asymétriques : à la conquête des cœurs et des esprits, il n'y a guère que le cœur et l’esprit à opposer. Le courage d’Achille. La ruse d’Ulysse. La colère synchrone contre l’arrogance des puissants qui apprend aux personnes qu’elles peuvent être des citoyens. Mais cette colère a des effets performatifs puissants que les spins doctors ignorent. Les révolutions arabes ont bousculé des dictateurs.

    En  appelant les Grecs à dire un « grand non » aux créanciers, Tsipras a convoqué le grand récit national des Grecs, le grand Non de Metaxas à l'ultimatum de Mussolini le 28 octobre 1940, une des deux fêtes nationales en Grèce. Chaque Grec connaît l’hommage de Churchill au courage des combattants : « Dorénavant nous ne dirons pas que les Grecs combattent tels des héros, mais que les héros combattent tels des Grecs. »

    La construction européenne, tout en brandissant les grands idéaux de démocratie et de droits de l’homme, a constamment repoussé aux lendemains la question de la légitimité démocratique de ses institutions. Ses dirigeants ont toujours contourné le suffrage universel, comme lors de l’épisode du non au référendum de 2005. Ainsi elle n’a pas seulement contribué à déconstruire la souveraineté des États-nations qui la composent par des abandons de souveraineté, elle a fait émerger un nouveau « décisionnisme » non démocratique. Le pouvoir d’agir qui se manifeste à travers le contrôle de la monnaie et du territoire s’est émancipé du pouvoir de représentation. Les gouvernants élus ont été privés des leviers de la puissance, pendant que les nouvelles institutions européennes étaient déliées de toute représentativité. Cela a produit ce visage de Janus de l’insouveraineté européenne. D’un côté, des décisions sans visage ; de l’autre, des visages impuissants. Résultat de cette dislocation : l’action est perçue comme illégitime et la parole politique a perdu toute crédibilité.

    C’est cette construction acéphale que la crise grecque a démasquée. Les visages impuissants n’ont pas changé de physionomie mais les pouvoirs sans visage sont apparus au premier plan. Les personnages mêmes de cette série “larger than life” se sont mis à ressembler à leur caricature : Moscovici plus commis que commissaire, Maîtresse Merkel doublée de son valet Matti Schäuble, Jean-Claude Juncker en Monsieur Loyal du cirque « Europa ». Le fauteuil roulant de Schäuble et la moto de Varoufakis. D’un côté, les personnages d’une comédie où la méchanceté le dispute au ridicule, où les discours des puissants ne s’embarrassent même plus de sophismes et se révèlent comme la froide résolution du plus fort – comme dans la plus désespérante des fables de La Fontaine –, où le loup de Wall Street ne prend plus la peine de se déguiser en grand-mère Merkel pour dévorer à belles dents le chaperon rouge grec.

    Depuis la victoire de Syriza en Grèce, la guerre couvait de manière sourde comme un feu de broussailles, enjambant les conseils européens, sautant d’une réunion de l’Eurogroupe à une autre, étouffée par un optimisme de commande, par les communiqués rassurants (comme les communiqués de guerre) évoquant des points de vue qui se sont rapprochés, par la perspective toujours repoussée d’un accord (toujours possible). Sur le boulier des ministres des finances, on alignait l’échéancier des remboursements et les réformes dites structurelles, coupes des budgets sociaux et des retraites, nouvelles rentrées fiscales... Comme l'usurier Shylock dans Le Marchand de Venise de Shakespeare, les créanciers entendaient bien prélever leur livre de chair sur le corps social grec, à défaut de pouvoir récupérer l’intégralité de la créance – quitte à jouer le pourrissement de la négociation avec la collaboration des médias acquis à leur cause... À l’écran, la tension entre négociateurs était presque palpable tout autant que les grandes claques que distribuait Jean-Claude Juncker en maître gogolien des pitreries européennes. Christine Lagarde alla jusqu’à réclamer des adultes dans la salle, oubliant qu’elle jouait le rôle du gendarme dans un théâtre de Guignol, un gendarme qui, loin de veiller à la stabilité financière de la zone euro, attisait avec le concours de la BCE une panique bancaire en Grèce, afin de forcer le gouvernement de Syriza à capituler. En organisant le chaos d’un pays membre de la zone euro, ses dirigeants entendaient le mettre à genoux, au lieu de remplir leur mission de solidarité et de se porter à son secours. Ils ont ainsi bafoué l’esprit et la règle des fameux traités et se sont disqualifiés devant l'histoire.

    Pendant ces longs mois de négociation, on a vu « les institutions » peu à peu tomber le masque de la rigueur et de la raison, perdre leur anonymat garant de leur efficacité et de leur puissance et prendre un visage qui est aussi un masque, pendant qu’une nouvelle génération politique incarnée par Tsipras et Varoufakis devenait les symboles d’une résistance des peuples à la domination des puissants, des rentiers, prenait la tête d’une rébellion contre cette Europe que Habermas a qualifiée de zombie et qui n’a plus en effet ni âme ni cœur.

    Lagarde, Schäuble, Dijsselbloem, Draghi, peuvent avoir les meilleures agences de com du monde, elles ne peuvent rien pour eux. Le storytelling est efficace mais on ne ranime pas un zombie en lui soufflant des histoires dans les oreilles, le bouche à bouche narratif des puissants est impuissant devant la colère des peuples... Et peu à peu j’ai compris que ce à quoi l’on assistait n’était pas un théâtre ni une comédie ni même une série née du mixage de Game of Thrones et de House of Cards. Mais un processus irréversible, follement pathétique, une sorte de momification, de « zombification » de l’Europe.

     

    A Londres (Trafalgar Square), manifestation pour l'annulation de la dette grecque, lundi 29 juin.A Londres (Trafalgar Square), manifestation pour l'annulation de la dette grecque, lundi 29 juin. © Reuters.

    L’épisode grec n’était ni un aboutissement ni un prologue, ni la conséquence des arriérés de la dette européenne, ni l’incroyable affaissement de la business class européenne, qui fait que depuis un demi-siècle, génération après génération, sous la laque des privilèges, l’Union européenne gagne sans cesse en médiocrité, jusqu’à admettre en son sein néonazis, racistes, anti-immigrés...

    Le décryptage des discours et des images, l’analyse scénographique et la sociologie culturelle ne suffisent plus à expliquer ce qui s’est passé au cours des derniers mois sur la scène européenne, car la vérité de ce processus ne relève pas d’une démystification ni d’une déconstruction mais d’un processus de révélation historique, d’éclaircissement. Une Europe en mal de souveraineté est apparue non pas médiatiquement mais immédiatement dans une sorte d’éclaircissement historique : Aufklärung. Kant définit l’Aufklärung comme une « sortie », une « issue » qui nous dégage de l’état de « minorité ». Mais que signifie cet état de minorité pour Kant ? C’est un certain état de notre volonté qui nous fait accepter l’autorité de quelqu’un d’autre pour nous conduire dans les domaines où il convient de faire usage de la raison. La condition essentielle pour que l’homme sorte de son état de minorité, c'est que soit bien distingué ce qui relève de l'obéissance et ce qui relève de l'usage de la raison. C’est ce que viennent de faire les Grecs. En dénonçant l’irrationalité des créanciers, ils les ont décrédibilisés. Désormais les choses sont clairement réparties : d’un côté une autorité sans raison, en perte de crédibilité, celle de l’Europe, de l’autre une raison commune en marche vers son autorité, celle de l’histoire. 

    Christian Salmon

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  • Par l'économiste Jacques SAPIR sur son blog, le 6 juin 2015

     

    Les dernières péripéties dans la négociation entre le gouvernement grec et ses créanciers mettent en lumière les contre-sens de beaucoup des commentateurs. Ils partent du principe que le gouvernement grec « ne peut que céder » ou « va immanquablement céder » et considèrent chaque des concessions tactiques faites par le gouvernement grec comme une « preuve » de sa future capitulation, qu’ils la regrettent ou qu’ils l’appellent de leurs vœux. De ce point de vue, il y a une étrange et malsaine synergie entre les plus réactionnaires des commentateurs et d’autres qui veulent se faire passer pour des « radicaux » et qui oublient sciemment de prendre en compte la complexité de la lutte conduite par le gouvernement grec. Ce dernier se bat avec le courage d’Achille et la ruse d’Ulysse. Disons déjà qu’aujourd’hui tous ceux qui avaient annoncé la « capitulation » du gouvernement grec ont eu tort. Il faut comprendre pourquoi.

    Le point de vue du gouvernement grec

    En fait, le gouvernement grec bien fait des concessions importantes depuis le mois de février dernier, mais ces concessions sont toutesconditionnelles à un accord général sur la question de la dette. Il faut savoir que c’est le poids des remboursements qui contraint le gouvernement grec à être dans la dépendance de ses créanciers. Le drame de la Grèce est qu’elle a réalisé un effort budgétaire considérable mais uniquement au profit des créanciers. L’investissement, tant matériel qu’immatériel (éducation, sante), a donc été sacrifié sur l’autel des créanciers. Dans ces conditions, on ne peut s’étonner que l’appareil productif de la Grèce se dégrade et qu’elle perde régulièrement de la compétitivité. C’est cette situation que le gouvernement actuel de la Grèce, issu de l’alliance entre SYRIZA et l‘ANEL, cherche à inverser. Le gouvernement grec ne demande pas des sommes supplémentaires à ses créanciers. Il demande que l’argent que la Grèce dégage puisse être utilisé pour investir, tant dans le secteur privé que public, tant dans des investissements matériels qu’immatériels. Et sur ce point, il n’est pas prêt à transiger, du moins jusqu’à maintenant.

    Les mauvaises raisons des créanciers

    Les créanciers de la Grèce, quant à eux, continuent d’exiger un remboursement intégral – dont ils savent parfaitement qu’il est impossible – uniquement pour maintenir le droit de prélever de l’argent sur la Grèce via les intérêts de la dette. Tout le monde sait qu’aucun Etat n’a remboursé la totalité de sa dette. De ce point de vue les discours qui se parent d’arguments moraux sont parfaitement ridicules. Mais, il convient de maintenir la fiction de l’intangibilité des dettes si l’on veut maintenir la réalité des flux d’argent de la Grèce vers les pays créanciers. Quand, ce 24 juin, Alexis TSIPRAS a constaté l’impossibilité d’arriver à un accord, ce qu’il a résumé dans un tweet en deux parties, il a pointé ce problème.

    Il insiste sur le fait que le comportement des dirigeants européens montre soit qu’ils n’ont aucun intérêt dans un accord, et la négociation est vaine, ou qu’ils poursuivent des intérêts « spéciaux » qu’ils ne peuvent avouer. L’accusation est grave, même si elle est très réaliste. Et c’est peut-être l’annonce d’une rupture à venir.

    En fait, on peut penser que les « créanciers » de la Grèce, et en particulier les pays de l’Eurogroupe, poursuivent deux objectifs dans les négociations actuelles. Ils veulent, tout d’abord, provoquer la capitulation politique de SYRIZA et ainsi, du moins l’espèrent-ils, sauver la politique d’austérité qui est désormais contestée dans de nombreux pays, et en particulier en Espagne comme on l’a vu avec la victoire électorale de PODEMOS. Mais, ces pays veulent aussi maintenir le flux d’argent engendré par les remboursements de la Grèce, car ce flux profite largement aux institutions financières de leurs pays. Tsipras a donc parfaitement raison d’indiquer un « intérêt spécial », qui relève, appelons un chat un chat, de la collusion et de la corruption.

    Il est, à l’heure actuelle, impossible de dire si le gouvernement grec, désormais menacé par l’équivalent d’une « révolution de couleur » arrivera à maintenir sa position jusqu’au bout. Mais, jusqu’à présent, il a défendu les intérêts du peuple grec, et au-delà, les intérêts des européens, avec la force d’un lion. Nous n’avons pas le droit d’oublier cela et nous nous en souviendrons quel que soit le résultat final de cette négociation.

    Source http://russeurope.hypotheses.org/3990

    26 juin 2015

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